Tori et Lokita

Affiche Tori et Lokita
Réalisé par Luc Dardenne, Jean-Pierre Dardenne
Titre original Tori et Lokita
Pays de production Belgique, France
Année 2022
Durée
Genre Drame
Distributeur Xenix
Acteurs Alban Ukaj, Tijmen Govaerts, Pablo Schils, Joely Mbundu, Charlotte De Bruyne, Nadège Ouedraogo
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 886

Critique

Le nouveau long-métrage des frères Dardenne a reçu cette année le Prix du 75Festival de Cannes, récompense octroyée tous les cinq ans. Aucune parole ne venant accompagner ce choix, on la suppose décernée à l'ensemble de leur carrière plutôt qu'à cette œuvre en particulier. 

 

Tous les trois ans, ou presque, les frères Dardenne sortent un nouveau long-métrage, avec certains rouages aisément identifiables. Une société souvent cruelle, régie par son propre intérêt, dont on souligne l'indifférence, voire la violence, à l'égard des plus démunis. Dans Deux Jours, une nuit, par exemple, Sandra (Marion Cotillard) doit persuader la majorité de ses collègues à renoncer à une prime afin qu'elle puisse garder sa place. La culpabilité d'une médecin, Jenny (Adèle Haenel), est le moteur narratif dans La Fille inconnue. Elle naît d'un refus de la protagoniste de consulter une migrante venue toquer à son cabinet après les horaires d'ouverture. Le lendemain, celle-ci est retrouvée morte.

Dans Tori et Lokita, c'est la même insensibilité qui broie la destinée de deux enfants ayant effectué la traversée. Arrivés en Belgique, Tori, persécuté au Bénin, peut régulariser sa situation tandis que Lokita doit d'abord prouver son lien de parenté avec Tori. En attendant, et pour envoyer de l'argent au pays, le deal est une solution. Les voies illégales empruntées, toujours plus contraignantes et inhumaines, sont une réponse à un système qui ne propose pas d'alternative. Les lieux sont étouffants, le cadre aussi. Il enserre les personnages sans offrir de perspective aucune sur la ville. Seul le lien indéfectible qui les unit leur permet de survivre.

Dans la séquence d'ouverture, le visage de Lokita apparaît en gros plan, plein d'inquiétude et de tristesse, en réponse à des questions accusatrices sur son passé qui visent à révéler la mascarade de son récit. Car si la première réaction, lors de cette séquence initiale, est celle d'une incompréhension face à l'attitude de l'inquisitrice et de compassion pour Lokita, rétrospectivement, on relativise, comprenant que la méfiance quant à son discours était légitime. De la même manière, l'issue tragique de Lokita est déclenchée par l'impossibilité des protagonistes d'être l'un sans l'autre, alors qu'on suppose qu'elle aurait sinon pu obtenir de faux papiers. Alors, la bienveillance dont on ne peut douter des cinéastes permet de lever l'ambiguïté du message, en optant pour une autre interprétation: l'unique manière de survivre en tant que migrant.e dans une situation illégale est d'accepter un statut de non-personne, sans intégrité et lien affectif. On regrette néanmoins le manichéisme et les facilités narratives de cette œuvre qui, pour ces raisons, nous tiennent à distance du sort de Tori et Lokita.


Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 11