Les Nuits de Mashhad

Affiche Les Nuits de Mashhad
Réalisé par Ali Abbasi
Titre original Holy Spider
Pays de production France, Danemark, Suède, Allemagne
Année 2022
Durée
Musique Martin Dirkov
Genre Thriller, Policier, Drame
Distributeur Xenix
Acteurs Zahra Amir Ebrahimi, Mehdi Bajestani, Arash Ashtiani, Forouzan Jamshidnejad, Alice Rahimi, Sara Fazilat
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 884

Critique

Avec Les Nuits de Mashhad, son quatrième film, le cinéaste Ali Abbasi, originaire d’Iran mais installé et naturalisé au Danemark, plonge le spectateur dans les faubourgs de la ville iranienne de Mashhad et l’entraîne sur les pas de la journaliste Rahimi qui mène une enquête sur des événements tragiques et des faits réels (16 actes criminels contre des femmes de cette ville ont été commis en 2001). Le film est un rappel de ces attentats sanglants, une enquête sur l’auteur de ces crimes, en même temps qu’une description de la société environnante.

Ali Abbasi s’était fait connaître en 1997 par un film fantastique, Border (Prix Un certain regard à Cannes). Cette année l’actrice Zar Amir Ebrahimi vient de recevoir (à Cannes aussi) le Prix d’interprétation féminine pour son rôle de journaliste enquêteuse dans Les Nuits de Mashhad: elle porte effectivement sur ses épaules une bonne partie du poids de ce thriller assez noir, et elle le fait avec beaucoup de talent, dans un rôle difficile. Elle réussit à traduire la sensibilité et l’engagement de ce personnage qui va permettre aux enquêteurs de retrouver la trace de Saeed Hanaei, père de trois jeunes enfants et vétéran de la guerre, un homme qui s’est senti investi, dit-il, d’une mission divine, celle de nettoyer la ville des «péchés commis par les prostituées et les droguées». Dans son désir de retrouver l’assassin et d’obliger les autorités (laxistes) à l’arrêter et le condamner, la jeune Rahimi (40 ans) ira jusqu’à mettre sa propre vie en danger. Elle sera aussi, à plusieurs reprises, la cible d’une partie de la société, son statut de journaliste ne la protégeant aucunement.

Les Nuits de Mashhad c’est aussi (et surtout) un tableau de la vie d’une cité iranienne et de ses habitants: les uns (souvent conservateurs, misogynes ou hypocrites) vont jusqu’à défendre la cause de Saeed, d’autres (surtout des journalistes étrangers) apportent leur soutien à la journaliste Rahimi, tandis que le pouvoir religieux parodie la justice et va jusqu’à manipuler le meurtrier. Une culture assez patriarcale - l’image de la femme épouse et mère est idéalisée - semble diriger et contrôler la société.

On sait que la comédienne iranienne Zar Amir Ebrahimi habite Paris depuis bien avant le tournage de ce film: auparavant actrice dans plusieurs films iraniens, elle avait dû s’exiler de son pays suite à une obscure affaire de mœurs: les films auxquels elle avait participé jusque-là ont alors été retournés avec une autre actrice pour qu’elle n’apparaisse plus! Dans Les Nuits de Mashhad quelques séquences de confrontation avec des représentants de la justice iranienne attestent de cette rupture avec son pays d’origine. Réalisé en Jordanie (l’Iran et la Turquie refusant toute autorisation de tournage), le film est avant tout un acte politique, sans complaisance, un récit assez étouffant par moments. Rahimi révèle le fonctionnement douteux de l’Etat et l’on pourrait aussi parler, parfois, d’une chronique documentaire glaçante de la condition féminine iranienne: la tension, à ce sujet, ne baisse pas tout au long du film (non censuré puisque réalisé hors d’Iran, mais interdit dans ce pays-là).

On relèvera la qualité des images du film, des cadrages et du jeu des acteurs (tous iraniens). La deuxième partie du film comporte parfois quelques scènes brutales trop longues, une musique un peu lourde et l’on pourrait regretter un certain voyeurisme dans quelques séquences et une abondance de gros plans. Mais reste l’essentiel: l’importance du personnage central de la journaliste révoltée et habitée par le désir que justice se fasse et l’image très forte de son travail, de son espoir de voir se transformer le monde qui l’entoure, un monde social, patriarcal et religieux terriblement fermé.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 16
Pierig Leray 10