Chroma

Deuxième film du réalisateur suisse Jean-Laurent Chautems, Chroma - contraction à partir des mots «chro/nique» et «ciné/ma»? - suit les pas de Claire (Solène Rigot), une jeune femme d’une trentaine d’années au tempérament bien trempé, actuellement sans boulot et qui manifeste une volonté permanente de séduire tous les hommes qu’elle croise.

Personnalité extravertie, insistante dans ses démarches amoureuses, Claire trompe sa solitude en observant en particulier les locataires de la maison d’en face, tout en cherchant à faire la connaissance de ceux qui habitent le même immeuble qu’elle. Claire veut surtout capter l’attention d’Alain (Aurélien Caeyman), un homme assez distant et secret qui souhaite éviter, semble-t-il, toute relation affective.

On ne parlera pas de vraie histoire d’amour dans ce film tant les relations de Claire avec la gent masculine, et surtout avec Alain, restent déroutantes. Dès les premières séquences la jeune femme surprend: brusque, menteuse, harceleuse, elle chaparde dans les magasins, n’hésite pas à semer le désordre dans les rayons. Elle laisse éclater sa colère vengeresse contre un automobiliste qui lui a rappelé une petite règle élémentaire de circulation piétonnière en abîmant sérieusement la carrosserie de sa voiture. Et la liste de ses comportements délictueux ne fait que commencer...

Tout cela pour dire que le spectateur ne va pas pouvoir éprouver beaucoup de sympathie pour cette demoiselle tout au cours du film, jusqu’à ses ultimes gestes totalement irrecevables à l’adresse d’Alain (elle s’en prend violemment à son intégrité physique), même si ce dernier n’est pas toujours à l’abri d’un reproche.

Alain et Claire connaissent un ou deux instants amoureux, mais le réalisateur conclut son récit sur un relatif échec. L’impression qui domine est celle d’une errance, d’une maladresse relationnelle et d’une absence d’évolution (ou alors uniquement dans le sens d’une détérioration). Claire ne parvient pas à prendre conscience de ses propres limites: elle a beau manifester son intention de faire du théâtre et de s’inscrire à l’Université, rien ne bouge vraiment. Quant à Alain, pianiste engagé dans un restaurant, il n’a guère plus de stabilité que Claire…

L’intrigue du film décevra les spectateurs qui pourraient estimer être en droit d’attendre de cette relation (peut-être et malgré tout…) quelque chose de plus réconfortant. On précisera tout de même que, sur le plan technique et formel, Chroma est un excellent film (jeu des acteurs, montage, éléments musicaux, tout est bien maîtrisé), mais il n’empêche qu’on regrettera qu’il accompagne le spectateur dans un monde vraiment décevant.