Decision To Leave

Affiche Decision To Leave
Réalisé par Park Chan-Wook
Titre original Heojil Kyolshim
Pays de production Corée du Sud
Année 2022
Durée
Musique Cho Young-wuk
Genre Romance, Drame, Policier
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Tang Wei, Park Hae-il, Go Kyung-pyo, Park Yong-Woo, Lee Jung-Hyun (II)
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 881

Critique

Park Chan-wook livre ici le film de sa carrière - et peut-être de l’année. Un joyau de mise en scène (d’ailleurs récompensée à Cannes), qui prouve qu’une histoire simple peut donner lieu à un chef-d’œuvre de créativité et sensibilité. De quoi laver l’arrière-goût mièvre du très surcoté Parasite.

Hae-joon (Park Hae-il), un détective renommé mais insomniaque, est marié depuis 16 ans à la même femme. Lui semble lassé mais elle vit dans l’illusion que leur ménage est au beau fixe, car ils continuent mécaniquement de faire l’amour ensemble. Hae-joon échappe à la monotonie de son mariage en passant des heures à filer des suspects, au désarroi de son collègue tire-au-flanc Soo-wan (Go Kyung-Pyo). Un jour, la paire est appelée au pied d’une montage où gît le corps d’un grimpeur sexagénaire. Une enquête rapide montre que l’homme était un employé du contrôle de l’immigration. Étrange coïncidence, son épouse est une jeune et belle femme d’origine chinoise, Seo-rae (Tang Wei). Hae-joon y voit de quoi la suspecter.

Commence alors le film à proprement parler. Les deux enquêtes qui forment le cadre narratif de l’ensemble sont un prétexte pour l’histoire d’amour entre Seo-rae et Hae-joon. Mais ce prétexte est important, car il donne forme au récit. Park Chan-wook décompose en effet les éléments d’une enquête policière au cinéma, et les remonte différemment pour raconter le désir naissant entre deux humains. Ces éléments sont: la vue, le langage, la technologie. La vue d’abord. Le métier de Hae-joon le ramène constamment à l’usage de sa rétine, pour espionner les suspects, pour analyser les indices et inspecter les scènes de crime. Il est animé d’une intense pulsion scopique qui le rend capable de se projeter mentalement dans ce qu’il voit. Il est le parfait voyeuriste. Quand il observe Seo-rae à travers ses jumelles, il se retrouve très réellement à côté d’elle, sur le sofa, dans sa cuisine. Il en fait l’actrice de sa fantaisie. Mais pourquoi la désire-t-il?

C’est là que le deuxième élément intervient, le langage, des témoignages, des interrogations, des aveux. Seo-rae étant d’origine chinoise, elle ne parle pas bien le coréen - chose dont elle s’excuse profusément. Elle apprend le coréen au travers des séries TV qu’elle regarde religieusement, et dont elle reproduit le parler sophistiqué des personnages. Cela déstabilise Hae-joon lors des dépositions, car l’usage erroné de certaines expressions crée une rupture dans sa lecture. Les mots ne sont soudain plus si transparents pour lui, si habitué à voir clairement. Il se retrouve soudain devant un objet opaque. Il peut se projeter mentalement dans son appartement, mais pas dans sa langue - le chinois - qu’il ne maîtrise pas. Seo-rae par son bilinguisme a ainsi un ascendant sur Hae-joon: durant l’enquête, c’est ce dernier qui deviendra l’acteur principal du stratagème de la première pour dissimuler son crime. Quand il s’en rendra compte, le détective en perdra quasiment la tête et la vue; après cela, il ne fera plus confiance à ses yeux, et ne pourra plus se passer de gouttes sérologiques dont il s’arrose sans cesse les rétines.

Reste la technologie. Enregistrements, téléphones, caméras, microphones, et même les applications de traduction chinois-coréen. Hae-joon y a recours pour tenter de circonscrire l’inconnue Seo-rae, comme une extension de son nerf optique. En vain, car ces outils ne peuvent pénétrer le cerveau humain. Le détective n’arrive pas à lire les indices laissés par la jeune femme - non pas de son méfait, mais de son amour. Le voyeur est désormais l’épié. Durant le dénouement final du film, Park Chan-wook fait s’effondrer les couches de la réalité et remet en question tout ce que nous venons de voir, nous les spectateurs voyeurs de son film. Seo-rae transmet en effet à Hae-joon un enregistrement audio dans lequel on l’entend confesser ses sentiments. Mais Seo-rae n’a aucun moyen d’avoir pu enregistrer ses paroles à ce moment-là. Hae-joon, comme le spectateur, réalise alors qu’il vit dans le cerveau de Seo-rae, qui s’est totalement déployé dans le réel. Nous aussi avons l’impression d’avoir aimé.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 18
Marvin Ancian 17