I'm Your Man / L'Homme parfait

Affiche I'm Your Man / L'Homme parfait
Réalisé par Maria Schrader, Xavier Durringer
Titre original Ich bin dein Mensch / L'Homme parfait
Pays de production ALLEMAGNE, FRANCE
Année 2021
Durée
Musique David Sztanke, Tobias Wagner
Genre Comédie romantique, Comédie
Distributeur Filmcoopi / JMH Distribution SA
Acteurs Didier Bourdon, Pierre-François Martin-Laval, Dan Stevens, Maren Eggert, Sandra Hüller, Valérie Karsenti
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 880

Critique

Alors que deux œuvres aux antipodes abordent la question de l’intelligence artificielle faite «homme», il était tentant de chercher à les mettre en écho. C’est parti pour un tour d’horizon - pas toujours engageant - de notre rapport au futur avec I’m Your Man de Maria Schrader et L’Homme parfait de Xavier Durringer.

Posons tout de suite l’évidence: les deux films n’ont rien à voir l’un avec l’autre, hormis leur sujet. D’un côté, une œuvre intimiste et psychologique, présentée à la Berlinale en 2021 (cf. CF n. 853 p. 13) et réalisée par la cinéaste de Stefan Zweig, adieu l’Europe et de la série Unorthodox. De l’autre, une énième comédie française, aux blagues lourdes et rebattues, rassemblant figures connues du théâtre de boulevard et de la télévision. C’est dire si la manière d’aborder le thème - un robot humanoïde fait irruption dans le quotidien de protagonistes peu heureux - ne pouvait que différer.

Dans la petite famille bourgeoise, encroûtée dans son quotidien, l’arrivée du nouveau Uman 3 (Pierre-François Martin-Laval) déclenche la panique du père de famille (Didier Bourdon), acteur au chômage qui n’est d’aucune aide à sa femme Florence (Valérie Karsenti) dans la gestion de la maison et l’éducation des enfants. Une concurrence bêtement virile va dès lors s’instaurer entre lui et cet appareil électroménager bien trop évolué, qui semble pouvoir fournir tout ce qu’il n’a plus (pas). Cette crise égotique ne fait ni rire, ni réfléchir, si ce n’est à la vacuité parfois abyssale de l’esprit humain, capable de produits aussi vulgaires. Elle parvient uniquement à ennuyer profondément son spectateur sur l’heure trente à peine que dure le film.

Dans la rencontre entre Alma (Maren Eggert) et Tom (Dan Stevens, parfait), rien ne tient de l’évidence. Pas même la perfection de ce compagnon robotisé, malgré les savants calculs, statistiques et tests psychologiques du centre de recherche qui l’a conçu sur mesure pour la jeune femme. Obligée de se plier à cette période de cohabitation pour obtenir la bourse nécessaire au développement de ses propres recherches, Alma peine à prendre au sérieux ce qu’elle considère comme une simple machine, dépourvue de sentiments et de conscience. Pourtant, peu à peu, cet étrange face-à-face va la renvoyer à sa solitude, ses peurs et ses blocages et lui faire réenvisager la possibilité de se lier à autrui. Les réflexions potentielles - sur la vie, le désir, la mémoire - émergent ici des échanges entre les deux protagonistes, des petits événements de la vie; libre ensuite au spectateur de s’en saisir. Il est d’ailleurs clair que le film privilégie la poésie à la prise de position, restant en surface des problématiques posées par son sujet. Tout comme son esthétique classique qui ne trouble en rien le récit, se contentant d’en présenter le déroulement dans des images lumineuses et neutres. Seule idée véritablement défendue: c’est par la confrontation à l’autre, quel qu’il soit, que l’on peut espérer vivre vraiment - ô combien même l’illusion représente un refuge séduisant. C’est ce qui fait que l’on s’attache à cette histoire (d’amour) et surtout à ses deux protagonistes, touchants autant que faillibles.

S’il est finalement facile de distinguer ces films d’après leurs qualités cinématographiques, il est un aspect réflexif sur lequel ils se retrouvent et échouent de concert. Suivant la tendance générale du cinéma dans sa représentation de l’intelligence artificielle, ils font des sentiments la seule distinction entre l’humain et la machine. Or, quand on nous présente des spécimens aussi minables, méchants et pathétiques que ceux de L’Homme parfait, il est difficile de ne pas céder aux sirènes d’un avenir où régneraient des êtres un peu moins abjects - dussent-ils être des robots. Même Alma de I’m Your Man souffre un peu d’un traitement scénaristique parfois superficiel, comparée à son vis-à-vis humanoïde beaucoup plus subtil.

Mais surtout, c’est admettre que du côté de l’intelligence, la machine nous dépasse - un discours déjà présent dans la course actuelle à la technologie. Le film de Maria Schrader l’avoue en partie, en présentant le travail de recherche de sa protagoniste sur les écritures cunéiformes comme une compilation de textes facilement mémorisable par son robot-compagnon et donc compréhensibles par leur seule mise en série. Â faire du savoir une question de quantité d’informations, on tend à oublier tout le travail d’interprétation, de lecture attentive et engagée, nécessaire pour créer du sens aussi bien que de l’émotion - qu’on soit chercheur, cinéaste ou critique de cinéma.

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 13
Adèle Morerod 4