Colportage Interdit

Affiche Colportage Interdit
Réalisé par Daniel Duqué
Titre original Is Anybody Home ?
Année 2021
Durée
Musique Jean-François Albelda, Laurent Dury
Distributeur Merlin Films
Age légal 6 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 879

Critique

Daniel Duqué est un colporteur inhabituel. Il ne vous vend pas de l’électroménager de pacotille mais des films, les siens ou ceux des autres, petits films peu vus et qui sont à voir différemment. Dans ce documentaire autobiographique, ce film-trotteur raconte sa démarche, ses rencontres et son amour inconditionnel du cinéma. Un auteur qui mérite la découverte.

Vous l’avez peut-être déjà vu. Un grand homme à vélo, une sacoche à l’épaule. Il y a rangé des films que l’on peut lui acheter. Ce sont ses propres réalisations, ou bien des œuvres qu’il apprécie dont il estime qu’elles méritent d’être vues davantage. Il arpente les villages pour trouver des portes auspicieuses, accueillantes. Il est souvent reçu par des silences, des étonnements, des réactions qui trahissent un jugement de valeur. Mais quelques fois, on lui offre l’hospitalité. Et c’est alors l’occasion d’un échange humain au-delà de la simple cinéphilie. Daniel Duqué a des choses à dire, des choses qu’il souhaite nous dire certes, mais il aime aussi écouter et nous faire écouter les histoires de ses hôtes. Il a souhaité en faire un essai cinématographique. 

Dans ce documentaire expérimental, Duqué joue sur le double emploi du mot «hôte»: tantôt qui accueille, tantôt celui qui est accueilli. Les badauds qu’il rencontre lui offrent certes l’hospitalité, mais ils deviennent par la même occasion les «accueillis» du film qu’il tourne, les hôtes de son histoire. Il leur donne même parfois la caméra, renversant ainsi la hiérarchie entre filmeur et filmé, faisant passer le film de l’autobiographie à l’autofiction. Le tout est narré en voix off par le monologue poétique de Duqué lui-même, qui décrit moins ce que nous voyons à l’écran, que ce qui pourrait être vu au-delà de l’image.

Une image c’est en effet souvent plus que ce que l’on y voit. À cet égard, Duqué a capturé une scène remarquable d’une mère qui lui montre un dessin fait par son enfant. Sur ce dessin, l’enfant s’est dessiné en train de regarder la télévision. Mais, comme le fait remarquer sa mère, l’enfant (pourtant né au 21e siècle) a dessiné une télévision avec des antennes, comme celles des postes révolus du siècle passé. Il a dessiné «l’image d’une image», car quand l’enfant regarde son poste de télévision, il y voit déjà le symbole de quelque chose d’autre, d’un univers possible. C’est ce regard enfantin que Duqué souhaite conserver pour lui-même et aider ses spectateurs à retrouver. Il faut, nous dit-il, prendre le cinéma comme on prend un oiseau dans ses mains - il faut l’accueillir comme son hôte. 

Le résultat de ce film touchant n’est pas sans rappeler les essais documentaires hybrides d’Alain Cavalier, avec cette candeur émerveillée devant le miracle du trivial. Nous regretterons toutefois par moments le ton lamentatoire qui semble regretter un passé meilleur - ce qui est quelque peu contradictoire avec l’idée du cinéma comme médium d’une expérience intemporelle, sans âge justement. Une idée que le réalisateur parvient à transmettre.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 13