Contes du hasard et autres fantaisies

Affiche Contes du hasard et autres fantaisies
Réalisé par Ryusuke Hamaguchi
Titre original Guzen to sozo
Pays de production Japon
Année 2021
Durée
Genre Drame, Romance
Distributeur Sister Distribution
Acteurs Kotone Furukawa, Ayumu Nakajima, Hyunri, Kiyohiko Shibukawa, Katsuki Mori, Shouma Kai
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 876

Critique

Après Asako I et II, qui l’avait imposé sur nos écrans, et le récent Drive My Car, aux nombreuses récompenses, Ryusuke Hamaguchi continue de dévider le fil d’une œuvre poétique à couper le souffle. Et les tripes.

Dès les premières notes, les premières images, la certitude de ne pas savoir où le film nous emmène s’impose avec délice. Un parc ensoleillé enveloppé de la pièce n. 1 des Kinderszenen de Schumann, les derniers instants d’un shooting photo, puis un long retour en taxi et la discussion intime, trop intime, de deux jeunes femmes. Comme cette voiture qui file dans la nuit tombée, impossible jusque-là de savoir: qui sera la protagoniste principale, est-ce que ce dialogue annonce tout ce qui suivra ou n’est-il qu’une parenthèse dans cette errance nocturne?

Ce jeu avec nos attentes, Ryusuke Hamaguchi le démultiplie en explorant trois récits, trois contes, autant hasards que fantaisies, drames aussi bien que révélations. Reliés par la musique de Schumann, «Magie?», «La porte ouverte» et «Encore une fois» s’offrent comme une exploration toujours renouvelée des rapports: passionnels entre deux amants séparés dans «Magie?» ou peut-être amicaux entre deux anciennes lycéennes dans «Encore une fois», tandis que «La porte ouverte» nous entraîne au-delà de la honte, dans un face-à-face renversant entre un professeur et son étudiante.

C’est là la part à la fois jubilatoire, bouleversante et terrible du cinéma de Ryusuke Hamaguchi: savoir si bien, dans des plans parfaitement cadrés, au sein de décors qui semblent dormir paisiblement, disséquer, exposer à vif les sentiments de ses personnages. Eux-mêmes, figures hiératiques, d’une beauté hors de ce monde, se dévoilent, déposant devant nous le plus profond, le plus caché avec un naturel déroutant. Aucune indifférence ou froideur ne préside à ces opérations à cœur ouvert, au contraire. La tension constante entre une intériorité aux mouvements violents et l’apparence du plus grand calme confère aux soudains frémissements des visages, aux regards qui se noient, aux corps qui se dérobent, la puissance d’un coup de poing.

Si ce sont trois femmes qui initient les trois récits, ne nous y trompons pas, la force vitale qui les traverse vient des rencontres qui scellent chaque intrigue. Et les face-à-face de se répondre alors, comme autant de miroirs, au sein des récits et entre les récits eux-mêmes. C’est en se heurtant à l’autre, quel qu’il soit, que l’on peut espérer avancer, clore un passé douloureux, se choisir une place, ce qui revient finalement au même. Le professeur de «La porte ouverte» ne dit pas autre chose lorsqu’il convainc son étudiante qu’en forgeant sa propre vérité, même si elle doit déplaire, on a alors une chance de rencontrer autrui, d’entrer réellement en lien, une chance qui peut aussi ne jamais advenir...

De ces confrontations, Ryusuke Hamaguchi s’assure que nous n’en ressortirons pas indemnes, entaillés par leurs éclats tranchants. Et nous ne demandons pas mieux!

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 19