Haut et Fort

Affiche Haut et Fort
Réalisé par Nabil Ayouch
Titre original Haut et Fort
Pays de production Maroc, France
Année 2021
Durée
Musique Mike Kourtzer, Fabien Kourtzer
Genre Musical, Drame
Distributeur CityClub Pully
Acteurs Ismail Adouab, Anas Basbousi, Meriem Nekkach, Zineb Boujemaa, Abdelilah Basbousi, Nouhaila Arif
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 875

Critique

Haut et fort se veut un drame musical entre documentaire et fiction sur une jeunesse marocaine en pleine ébullition. Habitué des thématiques sociales fortes, Nabil Ayouch livre une fois de plus une vignette sans concession des luttes de classe du Maroc - à l’image de ces apprentis chanteurs: éparpillée.

Anas est un rappeur qui a abandonné sa carrière - ou qui n’a juste pas percé, cela n’est pas clair. Il accepte toutefois un poste d’éducateur dans un centre culturel dans le quartier défavorisé de Sidi Moumen à Casablanca. Il y trouve des jeunes motivés à sortir de leur condition sociale, sinon de la dénoncer, au moyen du hip-hop. Mais ces derniers n’ont pas encore les armes nécessaires pour donner forme à cette contestation. Ce sera alors le rôle d’Anas, dans son rôle de professeur et de grand frère, que de canaliser l’énergie révolutionnaire des apprenti·e·s rappeuses et rappeurs. Mais l’arrière-garde veille au grain: pour beaucoup d’habitants du quartier et a fortiori les parents des élèves, le hip-hop est une déviance culturelle importée de l’Occident et n’a d’autre effet que de corrompre la jeunesse. Face à la résistance religieuse bigote et aux a priori profondément ancrés dans les mentalités marocaines, Anas ne cèdera pas et organisera un concert de quartier avec ses élèves.

Nabil Ayouch est né à Paris mais cela ne l’a jamais empêché de revenir dans le pays de ses origines, le Maroc, pour y tourner des films à caractère social, militant. Habitué des louanges en tout cas sur le territoire français - Mektoub (1997) est sélectionné aux Oscars, Les Chevaux de Dieu (2012) à Un certain regard, Much Loved à la Quinzaine des réalisateurs en 2015 -, il a une fois de plus eu l’honneur de voir son dernier long métrage être en Compétition officielle au dernier Festival de Cannes, ainsi que d’être projeté dans le cadre de l’exposition «Résister, encore» au Musée cantonal des Beaux-Arts de Lausanne. Et assurément, Haut et fort ne manque pas d’aborder frontalement des problèmes inhérents à la société marocaine: le port du voile, l’intégrisme religieux, le terrorisme, les violence sexuelles envers les femmes, la pauvreté, la dictature du gouvernement, etc.

Ayouch évite toute forme de dénonciation grossière cependant. Ces thématiques épineuses sont abordées soit sous la forme de discussions de groupes entre les jeunes et modérées par Anas, dans quel cas l’aspect documentaire du film se fait particulièrement ressentir - d’autant que ce centre culturel existe vraiment. Soit au moyen de scènes centrées sur la vie intime des personnages, et qui sont l’occasion de faire montre du talent des jeunes protagonistes par de longs passages chantés en solo. Par ailleurs, ces moments malheureusement assez rares dans le film sont pourtant ceux où Ayouch se donne le plus de liberté en tant que cinéaste de fiction, et abandonne sa casquette de documentariste. Oniriques, chorégraphiés, voire expérimentaux, ces instants de grâce nous rappellent à quel point Ayouch demeure une figure importante du nouveau cinéma oriental.

Le reste du film n’est toutefois pas à la hauteur de ces quelques scènes. Admettant lui-même avoir ressenti un besoin urgent de faire un film à Sidi Moumen après y avoir découvert ce centre culturel qui ressemblait «comme deux gouttes d’eau» à celui de sa jeunesse, Ayouch reste trop près de son sujet. La portée politique de la démarche est évidemment indéniable, à savoir donner un lieu d’expression à des voix trop souvent maintenues dans le silence de la censure étatique. Haut et fort n’est donc pas dénué d’intérêt et de subtilité bienvenue dans un paysage cinématographique dominé par l’outrancier, quoique son ton trop impersonnel risque d’en faire une œuvre oubliable.

Anthony Bekirov

Appréciations

Nom Notes
Anthony Bekirov 10