La Mif

Film suisse primé à la Berlinale en 2021 dans la compétition «14Plus», La Mif est un drame dénonçant les failles d’un système d’aide sociale souvent rétrograde.

Le long métrage narre le quotidien de plusieurs adolescents aux situations familiales délicates placés dans un foyer d’accueil auprès d’une équipe d’éducateurs et d’éducatrices. Le récit se noue autour d’un événement problématique: deux jeunes de 14 et 17 ans sont surpris en train d’avoir des rapports sexuels. Comme il s’agit de mineurs, le fait divers doit être signalé à la fondation responsable du foyer, ainsi qu’à la police. Or les réactions institutionnelles face aux questions que pose le développement de la vie sexuelle de ces adolescents s’avèrent pour le moins conservatrices, et les failles du système socio-éducatif semblent plus prononcées que jamais. Une des conséquences de l’affaire est la transformation de l’établissement en foyer réservé aux filles. Lora (Claudia Grob), la directrice de l’établissement, et son équipe font alors de leur mieux pour soutenir les jeunes femmes, à la fois frustrées de ne pas être écoutées et choquées d’être prises en charge par un système aussi peu adapté à leur réalité.

Structuré en différents segments désignés par les prénoms des protagonistes, le long métrage laisse une place à la trajectoire individuelle et à l’histoire de chacune des adolescentes, tout en insistant sur la dimension centrale de leur vie en communauté. Comme le titre du film le laisse entendre, ces jeunes et leurs éducateurs constituent une sorte de famille recomposée, avec ses conflits et ses moments de tendresse. Ils n’ont pas choisi de vivre ensemble, mais tous doivent tant bien que mal se serrer les coudes pour traverser des situations parfois dramatiques. Loin d’idéaliser la situation, le film montre également les conflits qui agitent le foyer, entre les adolescentes mais aussi entre les éducateurs, qui ne sont pas toujours en accord quant à la manière de prendre en charge leurs pensionnaires.

Filmé comme un documentaire, caméra à l’épaule, le film couple à ce style visuel brut une véritable complexité narrative: le récit joue avec la temporalité et entremêle habilement entre elles les différentes séquences focalisées sur chacune des habitantes du foyer. Cette forme sert intelligemment le propos, en se faisant le miroir de la tension entre histoire personnelle et vie au sein d’une collectivité qui anime les adolescentes. Porté par de jeunes actrices crédibles, La Mif porte un regard la fois nuancé et plein d’humanité sur une réalité souvent traitée au cinéma de manière manichéenne.