Un autre monde

Affiche Un autre monde
Réalisé par Stéphane Brizé
Titre original Un autre monde
Pays de production France
Année 2021
Durée
Musique Camille Rocailleux
Genre Drame
Distributeur Xenix
Acteurs Vincent Lindon, Sandrine Kiberlain, Olivier Lemaire (II), Anthony Bajon, Marie Drucker, Guillaume Draux
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 872

Critique

Troisième opus consacré aux lois du travail et à leurs lourdes conséquences, le dernier film de Stéphane Brizé, avec Vincent Lindon toujours, trace les contours d’un entreprenariat broyeur de vies et de valeurs bien actuel.

Depuis La Loi du marché, Prix d’interprétation pour Lindon à Cannes en 2015, Stéphane Brizé traque les conséquences sanglantes du capitalisme à travers les portraits de divers acteurs du milieu industriel. La figure du chômeur confronté à la rudesse d’un monde professionnel sans foi ni loi qu’incarnait alors Vincent Lindon s’est faite ensuite porte-parole d’employés floués dans le En guerre de 2018. Aujourd’hui, réalisateur et comédien passent de l’autre côté pour dépeindre les pressions exercées sur le chef d’entreprise Philippe Lemesle, tiraillé entre les contraintes venues d’en haut et le respect dû à ses employés.

Stéphane Brizé construit son récit en alternant deux facettes d’une même existence: alors que la position professionnelle de Lemesle se fait de plus en plus intenable, sa situation familiale se délite. Les procédures de divorce lancées par sa femme (Sandrine Kiberlain) tout comme la décompression psychologique de leur fils (Anthony Bajon) servent de révélateurs de l’inhumanité des conditions imposées dans le cadre de l’entreprise, mais surtout des discours qui les sous-tendent. L’affect, les qualités humaines, les valeurs autres que monétaire sont sans cesse évacuées, réduisant les êtres à des exécuteurs privés de raison et de sentiments, qui ne peuvent que redire les idées vides produites par un management aveugle et globalisé.

Cette mise en parallèle, parfois un peu évidente, permet néanmoins de montrer l’impact des modes de penser actuels sur les multiples aspects d’une vie. Lorsque l’on prive les individus des moyens de produire - et de décider - par eux-mêmes, lorsque les marges de bénéfices importent plus que les rapports de confiance, les effets se font ressentir bien au-delà des limites du bureau. Les relations intimes explosent, tout comme le corps des travailleurs mis en danger par des rythmes de fabrication démentiels. Mais cela se joue aussi de manière insidieuse; en témoignent les plans serrés qui oppressent le personnage de Lindon à chaque instant, lorsque le champ n’est pas encombré par les éléments du décor ou les silhouettes qui l’entourent. Le comédien offre d’ailleurs un impressionnant masque; visage fermé, insensible aux drames et aux injustices auxquels il participe, que seuls trahissent un tressaillement soudain, une larme tardive.

Faire face à ce que l’on est devenu et aux responsabilités qui nous attachent aux autres, c’est peut-être là le seul moyen de faire un choix, de récupérer sa liberté. Malgré cette lueur d’espoir, l’étau dans lequel est pris le spectateur ne se desserre que bien après la projection, puisque le monde qu’il rejoint n’est autre que celui du film.


Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 15
Adrien Kuenzy 13