La Main de Dieu

Affiche La Main de Dieu
Réalisé par Paolo Sorrentino
Titre original È stata la mano di Dio
Pays de production Italie
Année 2021
Durée
Musique Lele Marchitelli
Genre Drame, Biopic
Distributeur Ascot Elite
Acteurs Toni Servillo, Luisa Ranieri, Renato Carpentieri, Filippo Scotti, Teresa Saponangelo, Marlon Joubert
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 869

Critique

Bien qu’il ne s’agisse pas d’un film sur Diego Maradona, ce dernier est au cœur de cette œuvre autobiographique, telle une main de Dieu tendue à une population en mal de croyance.

Un bruit de moteur, la Méditerranée à perte de vue, appréhendée depuis les airs. À folle allure, une ville pénètre dans le cadre. Le mouvement se fait plus lent, la longeant avant de la laisser hors champ.

Par cette séquence d’ouverture, est suggérée l’arrivée du footballeur Diego Maradona à Naples, ville dont la gloire passée a laissé place aux malfrats, à l’indifférence et à la pauvreté. Tout comme le retour, en tant que cinéaste, de Paolo Sorrentino sur sa terre natale depuis son premier long métrage, L’Homme en plus (L’uomo in più, 2001). Entre-temps, notamment, Dublin pour This Must Be The Place (2011) avec Sean Penn dans le rôle d’une ancienne star du rock, Rome avec La Grande Bellezza dans lequel l’écrivain Jep (Toni Servillo, acteur fétiche du cinéaste) prend conscience de la vacuité de la vie mondaine menée - comme le Marcello (Marcello Mastroianni), vieilli, de La Dolce Vita (1960) -, ou encore les Alpes suisses dans Youth (2015) qui servaient de décor aux acteurs Harvey Keitel et Michael Caine, se questionnant sur leur existence dans un hôtel de luxe.

Chacun des films du réalisateur, à sa manière, exprime la solitude, souvent la vieillesse, de personnages qui éprouvent un décalage avec la vie qu’ils mènent et qui sont à la recherche de sens. Ceci avec une tendance à l’esthétique baroque, au plaisir des mouvements de caméras fluides et amples, frisant parfois le maniérisme qui laissait à craindre pour la suite.

Loin de répondre à ces craintes, jamais une de ses œuvres nous est apparue aussi sincère que La Main de Dieu, criante de vérité et conférant aux personnages ainsi qu’à son cinéma une profondeur rare bien que suggérée.

Dans ce film autobiographique, Sorrentino donne vie à une palette de personnages hauts en couleur, felliniens et exquis. Parmi eux, la tante Patrizia, aux formes généreuses volontiers exhibées, versant doucement dans la folie, un bel-oncle bien trop avenant et ne pouvant s’exprimer qu’à l’aide d’une prothèse vocale, une matrone qui jamais ne se sépare de sa fourrure et qui avale de la mozzarella à pleine bouchée en proférant des insultes à qui lui adresse la parole. Mais aussi un voisin dessinant des bites pour alléger les esprits chagrins, une baronne prête à se faire éducatrice sexuelle, sans compter une mère pour qui les sempiternelles farces et le jonglage égaient l’existence. Au milieu d’eux, Fabietto (Filippo Scotti), adolescent timide, intéressé par la philosophie et le cinéma, qui se pose en observateur et témoin.

Moqueries, commérages et bêtises sont dès lors le mode d’interaction privilégié dans ce microcosme qui rit de tout, des faiblesses et du physique des autres principalement. Méchant donc mais ô combien vivant! Ces manières d’être sont autant de réponses aux différents drames qui surviendront, tout comme la ferveur suscitée par l’arrivée de Maradona au SSC Napoli en 1984, qui prend la place d’idoles religieuses (comme San Gennaro ou le moinillon), en qui seule Patrizia croit véritablement.

Chacune des interventions de cette figure salvatrice est en effet décisive, permettant de reléguer dans l’ombre le tragique, quand il ne permet pas de l’éviter tout simplement. Ainsi, prison et adultère disparaîtront de la narration, les dérobant au regard du public. La mort aussi, mais pour d’autres raisons. Dans une séquence magistrale, d’une sobriété inhabituelle, sans musique, la mort des parents du protagoniste est annoncée par un médecin à l’hôpital. Aucune possibilité pour lui, son frère et ses amis, de voir les corps. Seuls des mots, qui peineront à sortir, feront office de gage. À la suite de celle-ci, cruciale dans l’avancée du récit, tout se délite sous le poids d’une solitude inconsolable. La ville, ses reflets et ses recoins magnifiquement filmés, comme Sorrentino sait si bien le faire, seront alors le théâtre de déambulations nocturnes, de rencontres et satisfactions passagères, nécessaires à la reconstruction. Loin de trancher sur la nature des apparences et de la frivolité qui sont tout à la fois aliénation et sagesse, le cinéaste nous fait sentir leur nécessité quand le sens vient à manquer.

Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 20
Marvin Ancian 15