Kasaba

Affiche Kasaba
Réalisé par Nuri Bilge Ceylan
Titre original Kasaba
Pays de production Turquie
Année 1997
Durée
Musique Ali Kayaci
Genre Drame
Distributeur Trigon Film
Acteurs Muzaffer Özdemir, Emin Ceylan, Fatma Ceylan, Mehmet Emin Toprak, Havva Saglam, Cihat Bütün
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 868

Critique

Nuri Bilge Ceylan a consacré son premier film à l’enfance, la sienne surtout, qui a côtoyé les rêves des autres et ce qu’ils sont devenus. L’œuvre est lente et profonde, nourrie par un solide esprit familial.

Kasaba est le nom d’une petite ville turque, située au nord d’Ankara. La campagne y est fortement présente, avec ses animaux et sa verdure. Asiye (Havva Saglam) et son petit frère Ali (Cihat Bütün) y vont à l’école; en hiver la neige tombe et un vieux poêle réchauffe la salle de classe. Mais la belle saison venue les deux enfants courent dans les bois tout proches, traversent les champs de blé, rejoignent le soir leur famille qui pique-nique devant un feu de bois.

Le film est tourné à hauteur d’enfants. Le point de vue est celui d’un garçon qui perd ses dents de lait et celui d’une fillette qui approche de l’adolescence. L’importance des faits qui surviennent en dépend totalement. Les adultes parlent sans précaution, les enfants écoutent ce qui les intéresse, grossissent certains faits, en négligent d’autres, s’endorment et rêvent entre deux veilles.

Les deux générations se mesurent en ceci que les désirs de la jeunesse ne se réalisent pas toujours. En témoigne l’oncle Saffet (Mehmet Emin Toprak), le raté, qui n’a toujours pas trouvé d’emploi sérieux lui reproche le grand-père (Emin Ceylan), très enclin à rappeler ses exploits passés. Le père (Sercihan Alevoglu) des deux écoliers, lui, a étudié à l’université; il semble être l’intellectuel de la famille, mais cela lui sert-il à quelque chose? N’a-t-il pas lui aussi laissé échapper sa chance?

Devisant ainsi tantôt sur leurs ambitions mal réalisées, tantôt sur les actions assez lointaines pour qu’on ose les embellir, les proches d’Ali et d’Asiye leur ouvrent le champ d’une imagination fertile. Mais la désillusion se tient en embuscade. Les adultes ne sont-ils que des personnes déçues? Si les enfants ne perdent pas l’équilibre de leur innocence, c’est que leur mère (Semra Yilmaz) est présente, caressante, rassurante, dans son rôle de toujours.

Ceylan opte pour une mise en scène sobre, des plans en noir et blanc, magnifiques, parfois extrêmement rapprochés, qui donnent au film une couleur très subjective. Le feu de bois, l’œil de l’âne agacé par les mouches, la tortue qui se débat sur le dos, ce sont autant d’images qui déroulent, touche après touche, un scénario sensible, dépourvu d’affectation. Tout est dans la force suggestive de cette œuvre qui place les enfants - et le spectateur avec eux - entre l’idéalisme des jeunes années et la réalité de l’âge adulte.

Premier film donc, qui contient déjà les caractéristiques du cinéma de Ceylan: les relations difficiles, les non-dits, l’interrogation existentielle. Tout cela illustré par une belle esthétique, habitée de paysages dont la neige est rarement absente. À la différence que Kasaba dans son évocation de l’enfance, donne à mesurer le bonheur du moment présent que savent encore vivre Ali et Asiye et qui, on le devine, ne pourra pas durer longtemps.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15