Under Blue Skies

Présenté en compétition au Festival Visions du Réel en 2020, ce documentaire délicat permet un travail de mémoire et de deuil, tout du moins pour les hommes et femmes qui ont accepté d’y participer.

Under Blue Skies s’ouvre sur une citation d’Annemarie Schwarzenbach à propos du «paysage chaud et dur de l’Engadine exerçant une attraction quelque peu mystérieuse» et revient sur les années 80 et 90 où de nombreux jeunes (adultes) se sont perdus dans la drogue (marijuana, héroïne). Ils se retrouvaient alors fréquemment au café de la Croix Blanche du village de Samedan, jouaient de la musique et tissaient une fraternité sans jugement.

Alors même que divers rapports des autorités mentionnent comme inquiétant ce phénomène, localement on joue à l’aveugle: on ne dit rien, on ne voit rien. C’est que le village est petit, que chacun connaît tout le monde et que la parole ne peut trouver son chemin. Aussi, ces jeunes, en rébellion contre une société étriquée qui ne les comprend pas, sombrent en se cherchant. Se succèdent donc des allers-retours à Zurich (Platzspitz), des virées en montagne, des quêtes d’infini, des tests de limites… et de nombreux décès. Aujourd’hui, un père, une mère, un couple qui s’en est sorti, une première compagne notamment témoignent avec pudeur et émotion de parcours trop vite arrêtés, de ces êtres qui manquent, et les rares qui laissent remonter les souvenirs attestent qu’à l’inverse nombreux sont encore celles et ceux qui ne veulent pas que l’on rouvre ce chapitre douloureux et que l’on garde intacts - comme hier - ces paysages de conte de fées sans les charger d’une lourde mémoire. La beauté de la vallée, la pureté des ciels, la neige qui en hiver recouvre presque tout invitent à laisser de côté une fois pour toutes cette page sombre d’un village. Pourtant, les endeuillés le sont encore, les faits sont là et l’avenir se construit peut-être mieux lorsqu’il ne réinvente pas le passé, mais y fait face.