My Heart Goes Boom

Affiche My Heart Goes Boom
Réalisé par Nacho Alvarez
Titre original Explota Explota
Pays de production ESPAGNE
Année 2021
Durée
Musique Roque Baños
Genre Comédie musicale
Distributeur Universal
Acteurs Verónica Echegui, Ingrid Garcia-Jonsson, Fernando Guallar
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 866

Critique

Le premier film de Nacho Alvarez, une comédie musicale aux couleurs vives et aux thèmes rafraîchissants, aura su faire débuter cette 7e édition sur un rythme entraînant.

Si le festival veveysan se réjouissait de pouvoir dédier une rétrospective à l’œuvre des Marx Brothers, ce dernier frémissait également à l’idée de pouvoir accueillir à nouveau des invités internationaux - quasiment bannis l’année passée pour des raisons évidentes. Dans ces derniers figurait l’invitée d’honneur, Coline Serreau, réalisatrice, actrice et scénariste française, venue présenter quelques-uns de ces films et donner une masterclass. De nombreux acteurs, producteurs et réalisateurs sont également venus présenter leurs créations dans la petite ville de la Riviera, dont Nacho Alvarez, metteur en scène espagnol à l’origine de My Heart Goes Boom, film d’ouverture du festival dont il sera question ici.

Le long métrage se focalise sur Maria (Ingrid Garcia-Jonsson), une trentenaire férue de danse vivant en Espagne dans les années 70. Cette dernière intègre un Late Show musical, «Las Noches de Rosa», pour y danser dans une formation intégralement féminine. Le métrage s’intéresse alors à la forte répression opérée par le comité de censure sur les différentes danseuses de l’émission: elles y sont en permanence rappelées à l’ordre, que ce soit en raison de leur manière de danser trop provocatrice ou de leur jupe trop courte. Pire, le stagiaire du comité n’est autre que le nouveau petit ami de Maria, Pablo (Fernando Guallar), fait qu’il préfère lui cacher. En d’autres termes, c’est Pablo - fils du directeur profondément conservateur du comité - qui devra se charger de contraindre le corps de sa compagne, afin de ne pas décevoir son père. Dès lors, le récit - ponctué de séquences de comédie musicale reprenant avec brio les morceaux de Raffaella Carrà - jongle entre scènes opposant Maria à la censure, scènes de tensions au sein du couple, et scènes en salle de montage, où Pablo et son père coupent tout ce qui dépasse du cadre déterminé.

Au premier abord, le film d’Alvarez semble être tout ce qu’il y a de plus prototypique et cliché. Car effectivement, la structure du récit et la manière dont ce dernier est mis en images sont extrêmement programmatiques: l’on y retrouve, tour à tour, tous les tropes des comédies musicales de la période classique du cinéma hollywoodien1 (le couple central à l’intrigue, le cinémascope, le ton édifiant, etc.) Mais il serait déraisonné de croire qu’il suffit de se cantonner à une formule pour réaliser un film qui marche. Suivre une formule ne fait pas de quiconque un bon réalisateur, ni de n’importe qui un bon acteur. Par chance, le talent d’Alvarez et son équipe est indéniable: en plus de savoir nous faire rire, My Heart Goes Boom nous met face à une multitude de plans aux couleurs magnifiques, utilise le potentiel du montage pour créer un rythme musical et fait acte d’une véritable alchimie entre les acteurs.

Encore mieux, ce film s’élève bien au-dessus du statut de «jolie redite d’un cinéma désormais désuet» par ses thèmes. Car, par le biais de la censure, il nous questionne sur les relations de pouvoir dans les contextes de représentation. Qui a l’opportunité de représenter? Comment exercent-ils cette force? Quel pouvoir cela leur donne sur le monde? Le long métrage crée deux pôles bien distincts: d’un côté il y a les femmes, représentées - constamment filmées et objectifiées - de l’autre il y a les hommes, représentants - occupant tous les postes à responsabilités, postichés dans leur tour d’ivoire. Le film s’attelle donc à critiquer cette polarisation, nous montrant à quel point elle est inutile et infructueuse. Par la même occasion, il nous propose de s’interroger sur sa propre forme, son propre récit: il devient le lieu d’un métadiscours et nous donne les outils pour déconstruire l’esthétique prototypique qui nous est présentée. Si la forme de cette comédie musicale est si classique, n’est-ce pas car elle est prise dans un réseau de déterminations qui la contraignent et l’enferment?

My Heart Goes Boom nous fait rire, rêver, danser et nous questionne sur des problématiques de représentation: on ne peut qu’en redemander.


Colin Schwab


1 Période allant des années 30 aux années 50.

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