Albatros

Le dernier film de Xavier Beauvois met en scène le basculement tragique d’une vie de gendarme dans un contexte de détresse rurale. D’abord saisissant, le film perd néanmoins de sa poigne en seconde partie.

Gendarme à Étretat, au bord de la Manche, Laurent (Jérémie Renier) mène une vie, non tranquille sans doute - il a affaire au quotidien à la misère sociale - mais maîtrisée. Cercles familial et professionnel rassurants, solide expérience du métier, naturel affable et calme. Le cours des heures, et ce quoique la menace de situations plus difficilement gérables ne disparaisse jamais, est donc globalement balisé… Jusqu’au jour où, ironie du sort qui fait de la main salvatrice une main criminelle, il tue un agriculteur suicidaire qu’il cherchait à aider. Alors, tout bascule.

Si le film est tissé d’une première partie solidement arrimée au réel, remarquable de justesse et de sobriété, il peine néanmoins à nous entraîner, lors d’une seconde partie plus symbolique, dans l’échappée existentielle et maritime de son protagoniste, à bord d’un petit bateau. La faute aux ellipses et au choix d’un montage alterné (on nous montre en même temps sa famille abandonnée, démunie, et ses collègues interloqués): la trajectoire de cette conscience coupable est ainsi rendue de manière trop discontinue pour nous donner à sentir la solitude et ses effets. Et la musique sacrée qui accompagne régulièrement l’épreuve introduit dans le récit une charge mystique qui s’avère finalement un peu lourde.