La Nuit des rois

Affiche La Nuit des rois
Réalisé par Philippe Lacôte
Titre original La Nuit des rois
Pays de production France, Canada, Côte-d'Ivoire, Sénégal
Année 2020
Durée
Musique Olivier Alary
Genre Drame, Fantastique
Distributeur Xenix
Acteurs Issaka Sawadogo, Steve Tientcheu, Bakary Koné, Digbeu Jean Cyrille, Rasmané Ouédraogo, Abdoul Karim Konaté
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 862

Critique

Pour son deuxième long métrage déjà multiprimé, le Franco-Ivoirien Philippe Lacôte révèle avec brio les pouvoirs d’un jeune conteur, enfermé dans l’une des prisons les plus surpeuplées d’Afrique de l’Ouest.

Quatre lettres: MACA. L’acronyme désignant la Maison d’arrêt et de correction d’Abidjan résonne, comme un cri, au début de La Nuit des rois. Alors qu’un jeune homme fait son entrée forcée dans l’établissement pénitentiaire, les autres prisonniers tentent l’intimidation, profèrent des menaces. Les gardiens aussi haussent le ton face au voleur de rue, avant de vite s’effacer: ici, seuls les détenus édictent les lois, bien qu’enfermés au milieu d’une gigantesque forêt.

Ceux-ci gravitent autour du vieillissant et affaibli Barbe Noire (Steve Tientcheu), qui n’est pas dupe et sent la fin d’un règne. Alors que de nouvelles alliances le défient, l’arrivée du délinquant permet aussi au chef d’affirmer son autorité: le petit nouveau (Koné Bakary) se prénommera Roman. Il sera conteur d’histoires, bien qu’inexpérimenté. La nuit de la Lune rouge marquera ses débuts dans l’arène. Placé au rang de poète, Roman n’a d’autre choix que d’obéir. Il attend son heure, accepte les privilèges, on l’habille, le nourrit. Mais le moment venu, Silence (Denis Lavant), un homme qui porte une poule bruyante sur son épaule, le met en garde: s’il termine son récit avant le lever du soleil, on le tuera.

C’est là que la magie opère: entre les murs se révèle bientôt un monde de tous les possibles, où la frontière entre le réel et l’imaginaire devient poreuse. On plonge dans la légende merveilleuse de Zama King, chef du gang des microbes, dans les quartiers d’Abidjan. Les péripéties du personnage n’ont pas de fin; chaque rebondissement rapprochant un peu plus Roman de son salut.

La Nuit des rois émerveille lorsque la tradition orale, à l’image des griots, transfigure le réel. Avec toujours une tension sous-jacente liée à la peur de mourir, inhérente au personnage. Philippe Lacôte excelle lorsqu’il transcende le quotidien lugubre des prisonniers, en convoquant plusieurs stratégies narratives. Premièrement à travers l’action des détenus pendus aux lèvres du poète; ceux-ci deviennent progressivement l’extension des paroles de Roman lorsqu’ils miment les actions de Zama King, en groupe, comme possédés. Alors que le jeune conteur gagne en confiance et se bat pour sauver sa peau, il parvient également à faire naître un puissant désir chez ses auditeurs, usant des mots afin que le suspense atteigne sublimement son paroxysme. Deuxièmement, la légende fait littéralement des incursions dans le réel, jusqu’à devenir un monde parallèle aux couleurs éclatantes. Alors que la caméra à l’épaule et les gros plans octroient à l’image de belles teintes documentaires, le récit dans le récit se pose en contrepoint merveilleux, promettant que le rêve jamais ne cessera d’exister.

Adrien Kuenzy

Appréciations

Nom Notes
Adrien Kuenzy 18
Sabrina Schwob 16