Sayat Nova - La couleur de la grenade

Affiche Sayat Nova - La couleur de la grenade
Réalisé par Sergei Paradjanov
Titre original Sayat Nova
Pays de production U.R.S.S.
Année 1969
Durée
Genre Historique
Distributeur trigon-film
Acteurs Sofiko Tchiaourelli, M. Alekian, V. Galestian, Giorgi Gegechkori, Spartak Bagashvili, Medea Japaridze
N° cinéfeuilles 864

Critique

Œuvre étrange et rare, la biographie du poète arménien Sayat Nova promet un moment artistique que le cinéma ne concède pas souvent. Son réalisateur y magnifie les traditions arméniennes et le mélange des cultures.

Le titre original, Sayat Nova, porte le nom d’un poète arménien (1712 - 1795) qui écrivait ses textes dans les différentes langues du Caucase et magnifiait ainsi l’amitié entre les peuples et l’esprit multiculturel de Tiflis (aujourd’hui Tbilissi, capitale de la Géorgie). C’est en quoi Sergei Parajanov s’est reconnu et c’est pourquoi les studios arméniens ont accepté le film (sorti en 1969), aussitôt loué par le public. Il n’en a pas été de même à Moscou qui n’y a pas retrouvé ses propres règles de la biographie, ni la lecture soviétique du personnage. L’œuvre a été menacée d’interdiction et son réalisateur s’est résigné à supprimer plusieurs séquences. Le titre Sayat Nova a été échangé contre La Couleur de la grenade, proposition plus abstraite.

Malgré ces efforts, le film est resté dans sa boîte, jusqu’en 1971, lorsque Sergueï Youtkevitch (1904 - 1985), grand cinéaste du temps de l’URSS, s’est mis à remonter le long métrage, non sans coupes et arrangements. Celui-ci est alors montré en salle et obtient peu à peu un succès international, avec une sortie française en 1982. Dès lors, il arrive qu’on le joue aussi dans sa deuxième version, celle corrigée par le réalisateur, plus proche de l’original. C’est celle que donne la plateforme de diffusion filmingo.

Ce n’est pas une biographie dans son sens habituel que propose Sergei Parajanov; il veut plutôt évoquer l’esprit du poète, la qualité de l’inspiration qui le portait. Son histoire est contée à la façon d’un mime hiératique, aux gestes lents, chargés de symboles. Arménien, le réalisateur y inscrit les traditions de son peuple, son artisanat, ses coutumes et sa vie artistique pour en faire une sorte de révélation aussi bien de son importance que des pressions qu’il a subies. L’œuvre a été tournée au nord du pays, au monastère de Haghbat, un édifice du XIIIe siècle.

C’est une œuvre d’une totale singularité, une œuvre exceptionnelle. Elle est organisée en plans fixes, de bout en bout, avec pour rares dialogues des extraits de poèmes de Sayat Nova. La bande-son explore elle aussi la musique et les instruments locaux. Différents chapitres se succèdent, l’enfance du poète, sa jeunesse, sa présence à la cour… Et ainsi jusqu’à sa mort. Mais non, Sayat Nova ne meurt pas, car sa poésie est immortelle.

Chaque plan est modelé, façonné dans le moindre détail. Dès les premiers, la netteté des images frappe, leur profondeur accroche; la séduction ne passe pas par le folklore, mais par le sens pictural. Parajanov est un peintre. Sa sensualité aussi est remarquable, elle ne s’abandonne pas au regard et à l’oreille seulement, comme tout film; elle y ajoute la douceur des étoffes et leurs parfums, la rugosité des peaux et leur odeur entêtante, le goût de l’eau fraîche et du pain.

L’amateur de cinéma d’action ne se reconnaîtra pas dans La Couleur de la grenade. Il faut aborder ce film-là en oubliant tout ce qui a pu être vu avant lui, toutes ses connaissances, oublier même ses goûts et ses envies, se retrouver vidé de toutes ses représentations. Si l’on s’abandonne au rythme de ce saisissant chef-d’œuvre, au souffle d’inspiration qu’il contient, alors Sayat Nova s’imposera comme une expérience unique.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 18
Noémie Desarzens 17