Sìrìrì - Le cardinal et l’imam

Affiche Sìrìrì - Le cardinal et l’imam
Réalisé par Manuel von Stürler
Titre original Sìrìrì - Le cardinal et l’imam
Pays de production SUISSE
Année 2021
Durée
Musique Mark Feldman, Sylvie Courvoisier
Genre Documentaire
Distributeur Outside the Box
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 862

Critique

On est à Bangui, capitale de la République centrafricaine, une nation en proie depuis 2013 à un conflit opposant groupes armés chrétiens et musulmans, dans un contexte où diverses associations de malfaiteurs s’affrontent pour faire main basse sur les richesses du pays: or et diamants circulent et se commercialisent dans l’indifférence et l’illégalité générales, tandis qu’un cardinal et un imam luttent pour tenter de rétablir une forme de coexistence religieuse et sociale.

Le film du réalisateur suisse Manuel von Stürler suit les responsables des deux communautés religieuses, le cardinal Dieudonné Ndzapalainga et l’imam Kobine Layama, qui s’efforcent de restaurer autour d’eux un minimum de «sìrìrì» (de «paix», en langue du pays). Le film accompagne le cardinal qui se déplace le plus souvent en 4x4, sans escorte et sur des routes défoncées, et qui s’en va parler aux populations campagnardes pour tenter d’apaiser les esprits et ramener chacun à la raison: «Nous sommes tous des Centrafricains!» rappelle-t-il inlassablement. Il s’efforce aussi de prendre contact avec les autorités politiques et judiciaires locales, tout en sollicitant des appuis à l’extérieur du pays. L’imam fait de même, et les deux hommes vont s’épauler mutuellement.

Dès son indépendance (1960) la Centrafrique a été prise dans un cycle infernal d’élections truquées, de corruption, de renversements politiques, de conflits religieux, de déplacements de populations. En 2013 un coup d’Etat meurtrier sème le chaos. Les images, souvent décourageantes, témoignent d’une tragédie oubliée, tout en renvoyant au présent (le film a été tourné en 2018). Les documents visuels choisis par le cinéaste - il y a là des séquences parfois terrifiantes - s’adressent directement et sans ménagement aux spectateurs de notre monde «occidental» qui, le plus souvent, ignorent la détérioration de cette partie du continent africain. Toutes ces séquences n’ont rien perdu de leur actualité et continuent de questionner aujourd’hui la République centrafricaine et ses rapports avec le reste du monde. Voilà un documentaire engagé qui suscite une réflexion dépassant largement les frontières centrafricaines.

Le réalisateur lausannois du film, Manuel von Stürler, précise ainsi ses intentions: «La nécessité d’apporter un témoignage d’ouverture et de tolérance n’a cessé de croître au fil de mes préoccupations. (…) Le cardinal et l’imam pourraient paraître héroïques, pourtant ce sont d’abord des hommes de foi, avec des succès, des défaites, des frustrations et des contradictions, mais ce sont surtout des hommes qui font du mieux qu’ils peuvent. (…) La prédation des bandes armées, des politiques comme celle des chancelleries et des entreprises étrangères crève tellement les yeux qu’elle paraît une caricature grotesque du post-colonialisme et de la mondialisation. Pourtant le drame se déroule à huis clos et dans l’indifférence générale. Rares sont les témoins et encore plus rares les images.»

Témoignage historique et actuel sur un pays lointain, Sìrìrì tient du film d’aventure, du tableau social et de la réflexion politico-religieuse. Dans cette parabole des problématiques contemporaines, les images sont fortes, tournées à bonne distance et riches de détails. Mais comme le dit le cinéaste, «rassembler tous ces gens autour d’une table pour construire une paix durable me paraît illusoire. Je suis de nature optimiste, mais là j’ai bien peur que ce film soit d’actualité encore quelques années.»

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 16