Cinq nouvelles du cerveau

Affiche Cinq nouvelles du cerveau
Réalisé par Jean-Stéphane Bron
Titre original Le Cerveau
Pays de production Suisse, France
Année 2020
Durée
Musique Christian Garcia
Genre Documentaire
Distributeur Praesens-Film
Age légal 10 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 861

Critique

Cinq chapitres, cinq interlocuteurs et bien des méandres pour tenter de circonvenir cet étrange objet: le cerveau. Le nouveau documentaire de Jean-Stéphane Bron est nécessaire pour les questions qu’il soulève, mais moins convaincant dans sa manière de les présenter.

C’est au fil de rencontres que Bron a rassemblé une galerie de scientifiques, qui tous à leur manière s’intéressent au cerveau. Ou plutôt, ils en font le point de départ de leurs recherches, sur l’intelligence artificielle, la conscience ou la reproduction mécanique des gestes. La structure en chapitres, centrés à chaque fois sur un protagoniste, permet d’ordonner quelque peu ces sujets complexes, aux implications essentielles. On y parle donc du règne prochain des machines sur les humains ou après eux, de la traduction des connexions neuronales par des systèmes informatiques, quand ce n’est pas celle des savoir-faire manuels, que l’on pourra confier à des robots. Et pourquoi pas même conférer à ces derniers nos failles, nos émotions et nos désirs, avant de les envoyer dans l’espace, pour qu’ils nous survivent à jamais?

Comme à son habitude, Bron joue, au sein du documentaire, avec un genre, ici évidemment celui de la science-fiction. Laboratoires aux bruits étranges, robot qui s’allume tout seul dans l’obscurité d’une chambre, corps recouverts de tubes, de fils et de capteurs: le sujet s’y prête parfaitement. Pourtant, c’est là le premier signe que Bron s’est laissé captiver par ce monde étrange qu’il cherche à filmer. Tout un imaginaire - de K. Dick à Kubrick - se voit convoqué, reconduit, fatalisé comme si l’avenir ne pouvait ressembler qu’à cela. En oubliant que cette science si objective s’est elle-même nourrie des récits proposés par le cinéma ou la littérature.

D’ailleurs, le cinéaste offre très peu de contrepoints aux discours dont se bercent les protagonistes. A peine laisse-t-il parfois sa caméra saisir la caresse d’une mère à son fils paralysé, l’attachement d’un scientifique envers son chien ou l’absence de véritable relation entre un père et son fils. Est-ce suffisant pour nous rappeler à quel point ceux qu’on a chargé de modeler le monde de demain en excluent tout ce qui constitue le rapport à soi et aux autres? Son dernier plan - qui revient caricaturalement aux origines de l’humanité - ne suffit en tout cas pas à renverser symboliquement la barrière de vitres, d’écrans et de calculs érigée tout au long du film entre nous et notre environnement.

Mais peut-être faut-il se raccrocher à une phrase, prononcée presque innocemment par le commentaire: «Tous les scientifiques regardent le monde à travers des outils». En effet, choisir de faire du cerveau le lieu de notre humanité, traduire ce qui nous entoure en algorithmes sont autant de façons de concevoir notre réalité - mais elles ne sont ni uniques, ni plus vraies que d’autres. Se saisir d’une caméra aurait pu être l’occasion de les confronter à un regard différent, à un «outil» permettant d’autres choses et éviter ainsi au film de se faire dépasser par l’importance des réflexions qu’il contient.

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 14
Marvin Ancian 13
Adrien Kuenzy 14