Laissez-passer

Affiche Laissez-passer
Réalisé par Bertrand Tavernier
Pays de production France
Année 2001
Durée
Musique Antoine Duhamel
Genre Comédie dramatique
Distributeur Bac Films
Acteurs Denis Podalydès, Jacques Gamblin, Marie Gillain, Christian Berkel, Charlotte Kady
N° cinéfeuilles 430
Bande annonce (Allociné)

Critique

"Fresque cinématographique et historique pleine d'ambition, de qualités esthétiques et d'authenticité, LAISSEZ-PASSER ne parvient pas à nous rejoindre.

Paris, 1942. C'est l'histoire vraie de deux hommes qui ont choisi de résister, mais de manière bien différente. Le premier s'appelle Jean-Devaivre (Jacques Gamblin), un assistant metteur en scène combatif et audacieux. Il accepte de travailler pour la ""Continental"", firme allemande produisant à Paris les films français depuis 1940. S'engageant à fond, il se sert de la ""Continental"" comme d'une couverture pour ses activités de résistant. Jean-Devaivre traverse le film au pas de charge, enchaînant tournages en studio, sabotage de locomotive, périples à vélo pour rejoindre femme et enfant réfugiés à la campagne, vol de documents secrets, etc. Le second, c'est Jean Aurenche (Denis Podalydès), scénariste et poète, alors en pleine ascension, qui choisit la résistance passive, refusant toute compromission avec l'occupant nazi. Etre généreux et ardent, il voyage avec ses valises dans Paris, passant avec une certaine élégance de l'une à l'autre de ses trois maîtresses. Il prend lui aussi des risques: malgré les pressions, il refuse les uns après les autres les contrats de la ""Continental"", il s'insurge contre les violences infligées sous ses yeux à un juif âgé par un Français bien-pensant, mais surtout, il signera des écrits ou des séquences d'une rare audace (que la censure de l'époque coupera systématiquement). Personnage volage mais attachant, intransigeant à sa façon, il apporte au récit son quota d'humour.

LAISSEZ-PASSER, c'est l'histoire vraie du cinéma français sous l'Occupation, vue de l'intérieur, avec une multitude de références et d'extraits de films, de visages d'auteurs (Maurice Tourneur, Charles Spaak, Jean-Paul Le Chanois) et de portraits de techniciens. Foisonnement de résistances courageuses oeuvrant solidairement dans la faim et le froid: un bel hommage.

Enfin, Tavernier met en scène ses personnages devant une fresque très réussie de la vie quotidienne dans la France occupée. Pas de rebondissements vertigineux, pas d'effets spectaculaires dans cette chronique sensible et onctueuse où les reconstitutions sont si soignées que le froid de l'époque envahit l'épiderme, l'odeur des rares aliments - obsession omniprésente dans le film - ou celle des fumées de locomotive parviennent jusqu'à nos narines.

Ces quatre fils de narration - Aurenche, Jean-Devaivre, hommage cinématographique et chronique de la vie sous l'Occupation - s'entrelacent, souvent agréablement, sans toutefois parvenir à convaincre. Les ingrédients sont délicieux, mais la mayonnaise ne prend pas. La fibre documentaire rechigne à épouser la trame d'une fiction trop pâle, l'hommage cinématographique finit par encombrer l'Histoire sans que Tavernier - alors qu'il l'avait réussi avec LA VIE ET RIEN D'AUTRE - ne parvienne à cet essentiel du cinéma: parler au spectateur dans son aujourd'hui.





Bertrand Tavernier



A propos de LAISSEZ-PASSER: ""Je ne voulais pas pointer du doigt l'attitude de certaines vedettes et je ne voulais surtout pas distribuer des bons et des mauvais points. J'avais plutôt envie de comprendre, de découvrir quels étaient les choix auxquels des gens moins connus - même si certains étaient très respectés à l'intérieur de leur profession -, réalisateurs, scénaristes, techniciens, ouvriers, figurants, étaient confrontés. Quelle était la frontière entre faire son métier et se déshonorer, travailler et collaborer, survivre et se compromettre?"""

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