Chaco

Affiche Chaco
Réalisé par Diego Mondaca
Titre original Chaco
Pays de production BOLIVIE, ARGENTINE
Année 2020
Durée
Musique Nahuel Palenque
Genre Drame
Distributeur Filmingo
Acteurs Fabián Arenillas, Raimundo Ramos, Omar Calisaya, Fausto Castellón
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 859

Critique

Les prolongements incertains d’une guerre mobilisent encore une troupe de soldats. Ce sont ces hommes épuisés qu’observe Diego Mondaca et qu’il suit jusque dans leur ultime folie. Apre et poignant.

Une longue guerre a opposé la Bolivie au Paraguay au début des années 30, faisant perdre à la première la vaste région du Chaco, terre désertique composée de sable et d’épineux. Ces faits historiques servent de décor au premier film du bolivien Diego Mondaca, enseignant, critique et réalisateur, auteur jusque-là de plusieurs courts métrages. L’œuvre a été projetée pour la première fois en novembre dernier, en ligne, lors du Festival FILMAR en América Latina de Genève.

Des faits historiques, donc. Mais ce n’est pas la priorité du réalisateur. Lui voit les hommes, une poignée de soldats beiges de poussière, emmenés par un capitaine allemand (Fabián Arenillas), dont on ne comprend pas très bien ce qu’il fait là. De fait, l’officier, retraité, avait été appelé à la rescousse par la Bolivie. Or, un officier ne perd jamais de vue la «grandeur» de sa mission. L’Allemand est ici celui qui tient la troupe, anachronisme incarné avec son équipement de luxe et la poupée géante en costume qu’il réinstalle chaque soir sous sa tente.

Les soldats le suivent parce qu’à la guerre, on suit son capitaine. Leur épuisement est total, la famine les guette dans une région où l’on ne voit ni gibier, ni plante comestible et encore moins d’eau. Ils avancent à la recherche d’un ennemi paraguayen qui semble s’être évaporé. On pense au Désert des Tartares, roman de Dino Buzzati (1940) et film de Valerio Zurlini (1976), superbe réflexion sur le temps qui passe, l’œil rivé sur l’horizon, dans l’attente interminable de l’attaque ennemie.

Car Diego Mondaca, lui aussi, est intéressé avant tout par la résistance des hommes, la transformation que leur impose le doute, la tension nerveuse, la promiscuité. Tout ce qui révèle leur extrême fragilité. D’histoire à proprement parler, il n’y en a pas. Le film est profondément métaphorique et, de ce point de vue, s’abandonne à une interprétation libre. Il se contente de mettre en place une situation si difficile qu’elle éveille tous les miasmes possibles; les conventions n’ont plus cours, la courtoisie s’effrite, les soupçons s’aiguisent et si l’on ne déserte pas, c’est peut-être qu’on ne sait plus où aller, sinon au bout de soi-même.

Remarquable analyse que livre Diego Mondaca. D’abord par la terrible beauté des images dont il fait émerger l’aridité et le désespoir comme si elles étaient la réalité. Ces panoramas sans fin, inchangés de bout en bout, où le regard humain ne perçoit jamais le moindre signe de vie font que la terre elle-même est un adversaire; les Boliviens y perdent leurs dernières gouttes de sueur. Chaco raconte les fantasmes et les hallucinations par sa mise en scène, par son rythme que scande chaque petit fait - la fuite d’un homme, la découverte d’un campement, la distribution d’une nourriture qui s’amenuise.

Ajoutée à sa force de suggestion, la sobriété de ce film fait sa qualité. Il ne s’étale pas, reste dans les limites de l’observation et laisse deviner la tragédie sans s’autoriser aucun éclat. De la guerre, on ne perçoit que la vanité. De ces soldats perdus, on ne saisit que la puérilité d’être là. Tandis que le capitaine allemand, inconscient jusqu’à la fin de sa gloire déchue, sombre dans l’oubli aux côtés de sa poupée.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15