Retour à Višegrad

Affiche Retour à Višegrad
Réalisé par Antoine Jaccoud, Julie Biro
Titre original Retour à Višegrad
Année 2020
Durée
Musique Mario Batkovic
Distributeur Outside the Box
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 856

Critique

Réunir d’anciens élèves que la guerre en Bosnie-Herzégovine a séparés et mettre des mots dessus. Jolie quête, parfois entravée par le désir des protagonistes de taire ce passé.

«Dans les Balkans d’aujourd’hui, la parole sur la guerre ne s’est pas libérée.» La libérer, telle est l’idée à l’origine du périple de la coréalisatrice suisse Julie Biro, rejointe par le scénariste (L’Enfant d’en haut, Home) et dramaturge Antoine Jaccoud. Ainsi, la cinéaste, amie de Merisha, souhaitait pour son documentaire réunir les camarades de classe de cette dernière, perdus de vue au début de la guerre alors qu’elle fuyait Višegrad. Ceux-ci, âgés de 11 ans au moment où le conflit éclate, sont extirpés «au bonheur insouciant», comme dira l’un d’eux, dans lequel ils baignaient jusqu’alors et divisés entre ceux qui restent et ceux qui partent, entre Serbes et Bosniaques. Julie Biro rencontre alors Budimir, ancien directeur de l’école, qui deviendra le protagoniste du documentaire, avec Djemila, la défunte de l’enseignant de la classe en question, qui tenteront de réunir l’ensemble des camarades de Merisha.

Présent et passé s’entremêlent dans cette tentative de convoquer les années d’avant-guerre, alors que les séquelles et la distance sont encore bien là. Au-delà des répétitions narratives - les mêmes questions sont posées, la même photo montrée à chaque ancien élève pour voir s’il se souvient des autres, les mêmes silences - se dessinent en creux les tensions, les traumatismes propres à chacun. A cette histoire se tisse celle de la vieillesse, du temps qui passe. La vie des deux protagonistes principaux s’inscrit également dans le documentaire, par touches discrètes. Cela donne lieu à de beaux moments, autant dans les rencontres que dans leur voyage. Des moments de vide sont saisis, d’attente d’un ancien élève qui tarde à venir, de trajets dans la vieille «Stojadin» d’époque, de promenades dans un décor gris, nuageux, mélancolique.

L’idée de créer par le documentaire une situation qui n’aurait sinon existé est une jolie manière d’assumer le côté construit, présent dans le genre non fictif aussi. Seul problème: il aurait peut-être fallu prendre plus de temps pour que la rencontre puisse véritablement se faire, que les anciens élèves soient suffisamment à l’aise face à Budimir, Djemila et l’équipe de tournage pour dévoiler leurs pensées et émotions. Leur retenue à évoquer le passé confère une certaine pudeur à l’ensemble, pas négative en elle-même, où les discussions trop sensibles sont désamorcées, la rencontre finale des élèves dans la salle de classe dérobée au regard du spectateur. Mais cette pudeur est aussi par moments la forme donnée à une absence, celle de libération de la parole, qui ne trouve pas toujours comment exister, même le temps du documentaire.

Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 13