Adolescence explosive

Affiche Adolescence explosive
Réalisé par Brian Duffield
Titre original Spontaneous
Pays de production U.S.A.
Année 2020
Durée
Musique Joseph Trapanese
Genre Fantastique, Science fiction, Comédie
Distributeur Paramount Pictures
Acteurs Piper Perabo, Charlie Plummer, Katherine Langford, Chelah Horsdal, Rob Huebel, Kaitlyn Bernard
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 855

Critique

Une vague de combustions - ou plutôt d’explosions - spontanées sert de toile de fond à une histoire d’amour entre une ado sarcastique et son ami sensible. Relevé de touches d’humour noir et d’adresses au spectateur, ce film très réussi à la saveur douce-amère, et plus profond qu’il n’y paraît, aborde de nombreuses peurs adolescentes, actuelles et intemporelles.

Mara (Katherine Langford) est en cours de maths quand, soudainement, sa voisine de devant explose, ne laissant derrière elle que ses vêtements, intacts, et une mare de sang. Bientôt, plusieurs autres élèves connaissent le même sort. Bien décidé à ne rien regretter dans ce nouveau monde où tout peut s’arrêter d’un seul coup, Dylan (Charlie Plummer) avoue à Mara qu’il craque pour elle depuis deux ans. Une romance sur fond d’incertitude et de murs tapissés d’hémoglobine va alors se développer entre les deux adolescents.

Bien que ce film ait été tourné avant la pandémie et qu’il soit adapté d’un livre datant de 2016, il résonne étonnamment bien avec le contexte actuel (même si ici la «maladie» ne touche qu’une tranche de la population): les protagonistes peuvent mourir ou voir leurs proches mourir à tout instant, les adolescents se voient blâmés pour une soi-disant malédiction qu’ils auraient causée (ce qui rappelle les propos de Trump sur le «virus chinois» ou la démonisation des jeunes, qui ont souvent été accusés de propager le coronavirus sans s’en soucier), sont mis en quarantaine et doivent tester des médicaments, avec plus ou moins de succès. Si cette ressemblance avec la réalité (fortuite ou non) peut sembler anxiogène, dans une période où on souhaite regarder des films pour s’échapper de cette réalité et non s’y plonger, les autres aspects de la réalisation parviennent toutefois à nous emporter.

Les références à la culture populaire (Carrie de Brian De Palma et Scanners de David Cronenberg étant en première ligne, et on a peu de mal à saisir pourquoi, le répandage d’hémoglobine et les têtes qui explosent y occupant le devant de la scène) sont savoureuses et contribuent à construire la personnalité piquante et cultivée des personnages. À ce propos, la représentation de la protagoniste principale peut diviser: Mara est dépeinte d’une manière qui se veut cool et originale, à la manière de cet archétype de la fille qui n’est «pas comme les autres» mais en réalité, elle est souvent plus énervante qu’autre chose. Heureusement, cela change dans le dernier tiers, où elle révèle sa dimension vulnérable. Par contre, sa meilleure amie Tess (Hayley Law) et Dylan sont merveilleux et tellement attachants qu’on a peur à chaque moment de leur présence à l’écran de les voir être réduits en bouillie cramoisie. La bande originale est également en parfaite adéquation avec le ton du film, proposant des chansons aux sonorités pop mais aux paroles sinistres. Même si le suspense - savoir qui sera la prochaine victime - est omniprésent, la réalisation laisse également la place à l’humour, à l’émotion et à des séquences plus «expérimentales» dans lesquelles les personnages brisent le quatrième mur ou racontent leurs souvenirs en incluant le spectateur.

Étant donné que le récit n’offre aucune explication quant à ces explosions spontanées, nous sommes libres de les interpréter et d’y apposer la métaphore que l’on souhaite. On pense bien sûr à cette tragique habitude qu’ont les écoliers américains de vivre un déferlement de violence sur leur lieu d’apprentissage, à laquelle le film se réfère notamment par le biais d’une scène de panique dans les corridors de l’école et d’une réplique d’un représentant de Washington indiquant que la nation leur adresse «ses pensées et ses prières» (formule souvent utilisée dans ces moments de tuerie écolière et moquée pour son manque d’efficacité et son abstraction face au caractère bien concret des armes). L’accès à la présidence de Donald Trump, fervent défenseur du droit au port d’arme, est d’ailleurs citée dans le film, ce qui constitue un parallèle entre le climat anxieux fictionnel et réel. Mais on peut également voir l’épidémie d’explosions comme une représentation de la peur de la sexualité et des MST car la question se pose à plusieurs reprises de savoir si les jeunes étaient toujours vierges avant de se désintégrer. Ou nous pouvons encore simplement l’interpréter comme la peur de grandir. En effet, tous les élèves qui explosent sont en dernière année et doivent, malgré l’incompréhension générale de la situation et l’incertitude quant au futur, passer par toutes les étapes traditionnelles (tel le bal de promo - dépeint ici de façon pathétique, bien loin du faste habituel - ou la postulation pour les universités) alors que tout s’échappe entre leurs doigts, car c’est ce qu’on attend d’eux. Mêlant avec doigté comédie noire, horreur et drame, cette œuvre a le potentiel de devenir un classique du film adolescent à la Heathers. Le temps nous le dira!


Amandine Gachnang

Appréciations

Nom Notes
Amandine Gachnang 17