La Mission

Affiche La Mission
Réalisé par Paul Greengrass
Titre original News of The World
Pays de production U.S.A.
Année 2020
Durée
Musique James Newton Howard
Genre Drame, Action, Aventure
Distributeur Netflix
Acteurs Tom Hanks, Mare Winningham, Elizabeth Marvel, Helena Zengel, Ray McKinnon, Thomas Francis Murphy
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 852

Critique

Inspiré du roman de Paulette Jiles, ce road movie à la remarquable mise en scène invite ses deux principaux protagonistes à un déplacement aussi intérieur qu’extérieur.

En 1870, cinq ans après la fin de la guerre de Sécession, le capitaine Jefferson Kyle Kidd (Tom Hanks), vétéran, sillonne le pays de bourgade en bourgade en qualité de rapporteur public, lorsqu’il croise le chemin de Johanna (Helena Zengel), une gosse de 10 ans capturée six ans plus tôt par la tribu des Kiowas et élevée comme l’une des leurs. A Wichita Falls, les autorités militaires le chargent d’emmener la rescapée chez ses oncle et tante, à quelque six cents kilomètres, près de San Antonio. Commence alors un long périple sur des pistes improbables…

Côté extérieur, ce sont d’abord les grands espaces du Texas, avec les troupeaux filmés en surplomb et des plaines à l’infini. Et puis il y a la chaleur étouffante, la moiteur, l’eau qui vient à manquer, le vent générateur de tempêtes de sable empêchant de voir même ses pieds et inclinant à se perdre, des massifs rocheux recelant pièges et cachettes, sans oublier quelques villes rares, construites à la hâte, sympathiques par temps clair, se transformant en bourbiers dès que s’abattent des trombes d’eau. On est donc en plein western, décor que les «classiques» valorisent. On y rencontre des petites gens qui tentent de nouer les deux bouts après une guerre qui les a lessivées, ce qui ne les empêche pas d’être enclines à la générosité. On y côtoie aussi des «sales gueules», prêtes à tout pour en tirer quelque bénéfice. C’est dans ces lieux reculés, sans âme et déprimants, que le capitaine erre en relatant les nouvelles du monde (News Of The World est le titre original du film), pointant les événements de cette période trouble où les plaies de la guerre ne sont pas encore cicatrisées, informant sur la politique de Washington et partageant quelques faits divers destinés à captiver son auditoire. Cependant, après la collecte de quelques dollars, il faut encore et toujours reprendre la route, qui plus est, avec Johanna, ce qui suppose incertitudes et dangers, et une confiance mutuelle à tisser pour y faire face.

On explore également les territoires intérieurs, non moins redoutables. A commencer par celui de Johanna dont la culture indienne diffère sensiblement de celle de sa famille d’origine et qui ne semble plus parler et comprendre que le kiowa. Le deuil l’habite, mais qu’a-t-elle vu lorsqu’elle a perdu les siens? Quelles images la hantent? Et Kidd, est-il aussi solide qu’il le laisse paraître? Pourquoi, la guerre fratricide terminée, ne se hâte-t-il pas de rentrer chez lui? Dieu l’a-t-il maudit pour tout ce qu’il a vu sur les champs de bataille? Cheminer aux côtés d’autrui, le plus souvent en silence et des jours durant, travaille les êtres. Aussi, lorsqu’il sera temps de se séparer, de rendre l’enfant à ses parents éloignés, le capitaine ne dispensera qu’un ultime conseil, surprenant, à sa nouvelle famille: «Achetez-lui des livres. Elle aime les histoires.» Il a bien son œil vif à chacune de ses prestations. Alors sa mission est-elle véritablement accomplie, lorsqu’il l’abandonne aux siens, peu désireux d’avoir une nouvelle bouche à nourrir? La question le taraude et il sera bien obligé d’y répondre avec une bouleversante humanité.

Cet homme qui vit en racontant des histoires fait donc face à la sienne. Et pour ne plus subir le destin, mais guérir, le voici appelé à reconnaître sa propre histoire et peut-être celle de Johanna. Tom Hanks et la jeune Helena Zengel portent ce western crépusculaire qui sort des sentiers battus, des conflits entre bandes rivales et autres règlements de compte, pour laisser filtrer la lumière d’individus blessés, mais résolus à vivre malgré tout. Ici, la résilience se paie au prix fort, mais elle est de toute beauté.

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 17