XX Virus

Affiche XX Virus
Réalisé par Kimyan Flückiger
Titre original XX Virus
Pays de production SUISSE
Année 2019
Durée
Musique Kimyan Flückiger, Gabriel Colban, Sebastian Friedmann
Genre Zombie, Science-fiction
Distributeur École cantonale des arts de Lausanne
Acteurs Caroline Perrenoud, Sacha Alonso, Alex Kamanda, Erfan Ashkan, Alban Mariethaz, Léopold Tschanz
N° cinéfeuilles 852

Critique

L’appréciation qu’on se fait d’une œuvre dépend parfois, au-delà de ses qualités intrinsèques, des contextes dans lesquels on la découvre. A la fois, il y a le contexte collectif, culturel et social, qu’on partage avec le restant du public, et le contexte individuel, affectif et émotionnel, qui fait qu’un film, l’espace d’un court instant, résonne avec notre vécu, notre histoire ou notre passé. Et pour ce qui est de XX Virus, court métrage de Kimyan Flückiger, jeune réalisateur de la région, passé notamment par l’Ecal, je dois bien avouer que le contexte dans lequel je l’ai reçu a considérablement influencé mon jugement sur lui.

C’était une soirée, proche d’Halloween, où l’Ecal présentait au Capitole les projets de ses étudiants et étudiantes en fin de bachelor. D’abord surpris, voire carrément euphorique, en découvrant ces réalisations rafraîchissantes, je me retrouvais peu à peu gagné par la lassitude et l’ennui en raison de l’homogénéité qui se dégageait des courts métrages. Très (trop) souvent le même rythme contemplatif, les mêmes cadres millimétrés, les mêmes angles de prises de vue, le même étalonnage métallique et froid, les mêmes sujets aux enjeux toujours identiques. Et là… XX Virus se lance et détonne complètement des autres propositions - une bouffée d’air, un contre-pied exquis.

Dès les premières secondes, le charme de la pellicule, ses aspérités, son grain particulier, ses contrastes marqués, accompagne un générique explosif dans un chant cinéphilique singulier: XX Virus sera un délire jubilatoire aux allures de série Z. Et c’est là une des grandes qualités de ce court métrage: dès son ouverture, il met en place son univers barré, déjanté, poisseux, souillé. Du pur concentré pulsionnel. Comme si, semble nous dire Kimyan Flückiger, le premier geste de tout cinéaste serait peut-être celui de se purger du cinéma qui l’a construit en tant que créateur. D’où la fine maîtrise des codes que le réalisateur s’amuse à reconduire ou à parodier: zombies massacrés autant qu’embrassés, personnages si déshumanisés que leur identité se réduit à de larges archétypes (Doc, Cowboy) ou se confond directement avec leur animalité (Wolf), enfin, l’incrustation de bruitages sonores kitsch mais d’une efficacité comique remarquable. Mais si le réalisateur comprend parfaitement l’héritage sur lequel il prend appui, jamais son objectif n’est celui d’une simple opération mimétique. Bien au contraire, Flückiger utilise l’amour qu’il porte à ce cinéma fauché, fabriqué, mais ô combien inventif, pour l’investir d’autant plus, comme lors de cette séquence jouissive où le montage se resserre, jusqu’à en devenir frénétique, dans le but de sublimer la fusillade, en akimbo1, de Cowboy.

Loin d’être parfait - de toute façon, il n’y aspire nullement -, XX Virus est pourtant une œuvre à la générosité touchante. C’est pourquoi, au lieu de lui reprocher sa démesure ou son côté excessif et jusqu’au-boutiste, nous préférons mettre l’accent sur le fourmillement d’idées qui le constitue. Car avec son court métrage, Kimyan Flückiger confirme qu’un cinéma qui avance est - et sera toujours - un cinéma qui invente.



1 Ce terme renvoie à l'art de tirer avec deux pistolets en même temps (un dans chaque main).

Kevin Pereira

Appréciations

Nom Notes
Kevin Pereira 16