Le Collier perdu de la colombe

Affiche Le Collier perdu de la colombe
Réalisé par Nacer Khemir
Titre original Le Collier perdu de la colombe
Pays de production Tunisie, Italie, France
Année 1991
Durée
Genre Comédie
Distributeur trigon-film
Acteurs Navin Chowdhry, Walid Arakji, Ninar Esber, Nouredine Kasbaoui, Jamil Joudi
Age légal 12 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 851

Critique

Venue des temps anciens, cette fable ne s’adresse pas seulement aux poètes, aux peintres ou aux esthètes. Car, si son esthétique accomplie rappelle l’âge d’or de la civilisation arabe, sa morale évoque le désir universel de paix.

Nacer Khemir est conteur et son moyen d’expression, la caméra. Né en Tunisie en 1948, il s’est laissé bercer par l’univers des fables avant d’obtenir une bourse de l’UNESCO pour étudier le cinéma à Paris. Revenu dans son pays, il a collecté les récits des Anciens dans la médina de Tunis. De sa récolte sont issus quatre films; l’un d’eux est Le Collier perdu de la colombe, sorti en 1991.

Zin (Walid Arakji) est un gamin malicieux, omniscient. Il est le fils d’un djinn et soigne un singe qu’il sait être un prince métamorphosé. Sa tâche incessante est de servir de messager aux amants. A ce titre, il fréquente beaucoup Hassan (Navin Chowdhry), l’étudiant en calligraphie. Celui-ci cherche à comprendre ce qu’est l’amour, sentiment auquel, dans la langue arabe, ne correspondent pas moins de soixante mots. Arrachant à un autodafé une page qui mentionne la princesse de Samarcande, il se met à fouiller les librairies pour retrouver le livre entier. Mais ne rêve-t-il pas? Ne devrait-il pas être auprès de son maître lorsque celui-ci s’apprête à partir pour un long voyage?

Le Collier perdu de la colombe souffre d’une mise en scène un peu confuse, longue à fixer le sens du récit, et de surcroît gênée par le jeu figé des acteurs, Navin Chowdhry en particulier. Ce n’est pas assez, toutefois, pour renoncer à le voir car il s’appuie sur une esthétique remarquable qui ne lasse jamais ni l’œil, ni l’esprit.

Cette histoire pourrait se passer dans l’Andalousie du XIe siècle, âge d’or de la tradition arabe. Le propos n’est pas de reconstituer un lieu ou une époque, explique le réalisateur qui a tourné à Cordoue, mais surtout dans des sites historiques tunisiens tels que Kairouan ou Tozeur. «Non, il s’agit de puiser dans la mémoire d’un jardin oublié. L’Andalousie, parce qu’elle est terre de rencontre de plusieurs cultures, dialogue vivant des religions et des peuples dont les traces se déchiffrent encore à travers textes, musique, jardins, de l’Atlantique à la mer de Corail. Parce que lieu géométrique de l’amour et image de l’autre, multiple et sublimée.»

Ces villes, ces terres seraient «l’essence même de l’amour à travers leurs parfums, leurs poèmes et leurs jardins». Elles symbolisent aussi, ô combien, une paix désirée, présente, mais d’une fragilité extrême parce que constamment menacée par la barbarie. Finalement, plus qu’un lieu ou qu’un temps, Le Collier perdu de la colombe évoque l’idéalité d’une façon de vivre. Celle où le matérialisme perd pied face à la poésie, à la compréhension de la beauté, à la sérénité. Celle où l’unique possession est celle du savoir. Celle où les seules richesses sont celles qui élèvent l’esprit: ainsi les mots, leur sens, la façon de les écrire.

Les Arabes nous ont appris l’astronomie, l’architecture, la calligraphie, les mathématiques et bien d’autres matières qui fondent les connaissances occidentales d’aujourd’hui, répète avec force le réalisateur tunisien à travers ses images. L’éblouissement que suscite chaque plan de son film est une chance de se rappeler, bien au-delà de la condition arabe d’aujourd’hui, sa grandeur d’autrefois.


Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 12