Réalisé par | Roy Andersson |
Titre original | Om det oändliga |
Pays de production | Suède, Allemagne, Norvège |
Année | 2019 |
Durée | |
Genre | Drame, Fantastique |
Distributeur | Xenix |
Acteurs | Martin Serner, Tatiana Delaunay, Thore Flygel, Ania Nova, Lesley Leichtweis Bernardi, Lisa Blohm |
Age légal | 12 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 843 |
Lion d’argent du Meilleur réalisateur à Venise 2019
Par une mise en scène épurée, sobre et une composition minutieuse des plans, le réalisateur suédois poursuit son exploration de la triste comédie humaine. Cynisme et douceur se confondent dans cette œuvre magistrale qui lorgne autant du côté du théâtre que de la peinture.
Dans ce film, comme souvent dans le cinéma de Roy Andersson, les plans fixes dessinent autant de micro-récits, superbes, autonomes pour la plupart. Les personnages de cet univers s’animent, et puis disparaissent. Une voix over donne son unité au récit, en décrivant simplement ce qu’elle voit, tel un témoin neutre, discret et sans jugement. Seul un pasteur apparaît à plusieurs reprises. En plein doute existentiel, ses appels à l’aide sont autant de bouteilles vides jetées à la mer. En effet, face à son désespoir, de l’agacement (de témoins involontaires) ou de l’indifférence, de la part de son médecin par exemple, dont la compassion ne va pas au-delà des horaires d’ouverture de son cabinet. Regard cynique, donc, du cinéaste, porté sur des personnages immergés dans un environnement qui leur résiste et entrave leur projet, du plus banal au plus conséquent et ravageur - avec notamment Hitler dans son bunker peu avant son suicide.
Participent à la composition de cet univers sans ancrage temporel une image sobre, un décor lisse, épuré, aux couleurs grises et beiges, des individus vidés, pour la plupart, de tout souffle intérieur. Epuisés, leurs gestes sont mécaniques, réduits au strict minimum. Les regards entre les protagonistes sont quasiment inexistants, tant ceux-ci sont enfermés dans leur propre solitude, leur propre néant. Malgré l’amertume éprouvée par moments, on s’enthousiasme face à l’ingéniosité de ces mises en scène d’une vie quotidienne, souvent pitoyable et dénuée de sens.
Par le choix d’un seul plan fixe par séquence, Pour l’éternité joint à l’art théâtral le pictural. Il emprunte au premier un jeu d’acteurs artificiel, interprété par des comédiens fardés qui récitent un texte sans faire semblant de l’éprouver. Le cadrage, élaboré avec une rigueur extrême, offre toujours une échappée vers une autre pièce, un ailleurs distinguant la scène de la coulisse, le personnage de l’acteur. Mais cette présence du hors champ apparaît de manière ambiguë. Malgré la passivité outrancière des personnages, leur impuissance, on est tentés de croire, par la mise en scène, qu’une échappatoire existe, que le tragique duquel les personnages burlesques semblent captifs n’est pas fatal. C’est ce que suggèrent aussi certaines séquences plus positives, des filles dansant devant le regard hébété de militaires aux amoureux flottant sur une ville bombardée.
Quant à la peinture, Roy Andersson transforme en tableaux vivants l’œuvre d’Edward Hopper, avec par exemple la mise en scène du célèbre Nighthawks, aperçu à travers le reflet d’un miroir de bar. L’importance du hors champ ainsi que l’appréhension de l’individu dans sa douloureuse solitude rapprochent également le réalisateur du peintre, son art de la peinture. Car indéniablement, face à cette tragédie - ô combien banale mais ô combien humaine -, les protagonistes s’apparentent à des corps mécaniques, auxquels seul le souffle créateur du réalisateur parvient à donner vie.
(Voir aussi l'article de Sabrina Schwob dans CF n. 819 - Venise, pp. 31-33.)
Sabrina Schwob
Nom | Notes |
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Sabrina Schwob | 18 |