Never Rarely Sometimes Always

Affiche Never Rarely Sometimes Always
Réalisé par Eliza Hittman
Titre original Never Rarely Sometimes Always
Pays de production U.S.A., Grande-Bretagne
Année 2020
Durée
Musique Julia Holter
Genre Drame
Distributeur Universal Pictures International France
Acteurs Ryan Eggold, Sidney Flanigan, Talia Ryder, Théodore Pellerin, Sharon Van Etten, Drew Seltzer
Age légal 6 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 842

Critique

Dans le prolongement de 4 mois, 3 semaines, 2 jours, chef-d’œuvre du cinéma roumain, cette proposition d'Eliza Hittman, dont c’est le troisième long métrage, déploie une approche frontale, sans fard ni fioritures, de l’avortement.

Ancré dans une certaine tradition d’un cinéma social, Never Rarely Sometimes Always retrace le portrait hyperréaliste d’une adolescente, enceinte, qui ne peut jouir de son corps comme elle l’entend: Autumn a 17 ans, vit en Pennsylvanie, et sans le consentement de ses parents, elle est contrainte de rester dans la position de victime. Victime d’une grossesse qu’elle ne voulait pas. Victime d’un système patriarcal où même les décisions afférentes à son corps ne lui appartiennent pas.

Never Rarely Sometimes Always est un film nauséeux. Et il le doit beaucoup à sa mise en scène. Une mise en scène organique où c’est le corps qui produit le plan. C’est lui que l’on colle, car il est le foyer de toutes les violences, de toutes les failles. Il est ce dont on parle et la manière dont on en parle. Et lorsque l’on parle à l’aide du corps, la parole est souvent de trop: pourquoi viendrait-elle surligner ce que le corps, seul, sublime? Mais si la cinéaste est en mesure de porter à son point culminant l’avarice du mot, c’est indéniablement grâce à ses actrices, si grandes qu’elles ne paraissent jamais jouer. La puissance de l’expression de leur visage naît d’un minimalisme froid. Froid, comme la lumière qui éclaire leur regard de feu.

Nauséeux, disions-nous. C’est que le métrage avance sur un périlleux fil d’émotions toujours ascensionnel, qui présente un risque élevé de chute, de basculement pathétique vers l’exagération. Mais Eliza Hittman ne regarde pas en bas. En funambule de la mise en scène, elle maintient le difficile équilibre entre ce qu’on garde pour soi et ce qu’on dévoile au monde. Le hurlement intérieur contenu par le silence extérieur. L’implosion comme écran à l’explosion. Sauf que c’est couru d’avance: le barrage finit toujours par céder sous la colère ou l’épuisement. Comme lors de cette scène (qui donne au film son titre), centrale, où un questionnaire vire au supplice. Filmé en plans fixes étirés en plans-séquences de cinq minutes, l’échange dit tout le talent de la réalisatrice: en choisissant le plan long, elle fait prendre au spectateur toute la mesure de la réalité d'Autumn. Elle lui fait éprouver l’expérience de la violence, de cette double souffrance, paradoxale, du corps et de la parole. Cette violence qui condamne ceux et celles qui la subissent à devoir encore la verbaliser. Et en mettant ainsi le spectateur face à un harcèlement de tous les instants, Eliza Hittman le plonge sans concession dans une œuvre de chair et de lutte. De rage et d’émancipation.

Kevin Pereira

Appréciations

Nom Notes
Kevin Pereira 17