Un pays qui se tient sage

Affiche Un pays qui se tient sage
Réalisé par David Dufresne
Titre original Un pays qui se tient sage
Pays de production France
Année 2020
Durée
Genre Documentaire
Distributeur Jour2fête
Age légal 14 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 842

Critique

Ce solide documentaire, soutenu par la Quinzaine des réalisateurs cannoise, invite des citoyens à approfondir, interroger et confronter des points de vue sur l’ordre social et la légitimité de l’usage de la violence par l’Etat.

Après Allo Place Beauvau, recueil source de vidéos de violences policières, récompensé par le Grand Prix du journalisme en 2019, et son roman Dernière sommation, David Dufresne invite différents intervenants, témoins, spécialistes, intellectuels, victimes ou militants, mères au foyer, avocats, policiers, écrivains… à réfléchir à voix haute face caméra, et avec grande dignité, aux actions de la police française actuelle principalement face aux manifestations de Gilets jaunes à Paris et dans quelques grandes villes de l’Hexagone.

Le titre lui-même rappelle l’interpellation de lycéens à Mantes-la-Jolie (Yvelines) en décembre 2018, laquelle avait provoqué l’indignation collective. Dans cette fameuse vidéo montrant des adolescents arrêtés par la police - alignés genoux à terre et mains sur la tête -, l’on entendait un représentant de l’ordre se réjouir: «Voilà une classe qui se tient sage».

Les images sanglantes et choquantes s’enchaînent: coups de matraque, cris, explosions, mains arrachées, visages éborgnés, gaz lacrymogènes, vandalisme…Tournées en France entre novembre 2018 et février 2020, ces vidéos, souvent filmées par des amateurs et des victimes, témoignent des affrontements qui ont opposé pendant cette période manifestants révoltés et policiers répressifs.

De telles images attestent qu’aujourd’hui ce n’est plus le pouvoir qui décide de ce qu’on voit. Ce film éprouvant est à cet égard un exemple patent de ce changement décisif. Il montre en effet sans ambages des exactions policières soutenues par l’Etat, véritable cœur du problème pour le cinéaste, qui précise: «Tous les pays du monde sont confrontés aux violences policières. Pour les démocraties, c’est un enjeu devenu crucial à leur propre survie. Le film questionne cette définition de Max Weber: 'L’Etat revendique le monopole de la violence physique légitime'. Qu’est-ce que l’Etat? La violence légitime? Qui lui dispute son monopole? Et qui en tient le récit?»

Même si la position de David Dufresne est claire, son documentaire invite au débat plus qu’il ne présente un plaidoyer. Aussi certaines questions résonneront-elles longtemps encore: qu’est-ce que la violence? Où s’opère-t-elle? N’est-elle que physique? Peut-on parler de violences structurelle, institutionnelle, économique…? Qui a la légitimité de dire qui est violent…? Au total, une vraie et profonde remise en cause, qui secoue, perturbe et force la réflexion éthique, mais qui, hélas, ne s’interroge à aucun moment sur ce qui se passe en amont de toute manifestation. Comment les forces de l’ordre s’organisent-elles en termes d’effectifs et de moyens? Comment se préparent-elles psychologiquement? De quelle manière les individus et les groupes décidés à manifester se rassemblent-ils, s’encouragent-ils, discutent-ils des stratégies pour éviter tout débordement et récupération…? De telles questions pourraient faire l’objet d’un second documentaire, fort utile, lui aussi.

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 16