Billie

Affiche Billie
Réalisé par James Erskine
Titre original Billie
Pays de production ROYAUME-UNI
Année 2019
Durée
Genre Documentaire,
Distributeur Praesens-Film
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 841
Bande annonce (Allociné)

Critique

Plongée au cœur de la vie d’une des plus grandes chanteuses de jazz, grâce à la reprise cinématographique de l’immense travail inachevé d’une journaliste.

Billie Holiday (1915-1959) fut l’une des très grandes voix du jazz. A la fin des années 60, la journalise Linda Lipnack Kuehl commence ses recherches à son sujet, car elle projette d’en rédiger la biographie officielle. Passionnée par l’artiste, elle veut comprendre d’où vient cette voix si particulière, mêlant rugosité et intimité. Elle enregistre alors deux cents heures de témoignage, en recueillant à son micro d’innombrables confidences, anecdotes et souvenirs restés inédits jusqu’aujourd’hui. Ce sont tant ceux de ses amies d’enfance que de ses amants et avocats, de proxénètes ou des agents du FBI qui l’arrêtèrent, mais ce sont également, bien sûr, les histoires récoltées auprès de tous les musiciens qu’elle côtoya ou avec lesquels elle travailla: Tony Bennett, Count Basie, Jo Jones, Jimmy Rowles, Charles Mingus et tant d’autres. Heureusement, la mine d’interviews de Linda Lipnack Kuehl, décédée subitement en 1978, a pu être conservée et fournit la solide matière de ce documentaire très riche.

Le «roman» tragique de Billie commence le 7 avril 1915 à Baltimore; sa mère a alors 13 ans et son père (qui bien vite la quittera) 15. Aussi l’enfant est-elle confiée à ses grands-parents, dans une vieille baraque où vivent également une cousine, Ida, et ses deux enfants. Très jeune, elle travaille dur, mais la musique commence déjà à l’imprégner: «Que je monte à bicyclette ou que je frotte le carrelage d’une salle de bains, j’adorais chanter tout le temps». Violée à 10 ans, Billie connaît bien vite la prostitution et même la prison, jusqu’au jour où un pianiste a l’idée de la faire chanter. S’ouvre alors une carrière qu’elle n’imaginait pas - «je chantais depuis toujours, mais c’était pour le plaisir et je n’avais jamais pensé pouvoir faire du fric avec ça» -, car elle retient très rapidement l’attention des plus grands (Benny Goodman, Teddy Wilson) et se voit engagée par John Hammond. Concerts et séances d’enregistrement vont alors se succéder, avec des conditions de tournée parfois extrêmement dures. En effet, la jeune chanteuse noire ne peut bien souvent, tout particulièrement dans le Sud ségrégationniste, manger ou loger avec le reste de l’orchestre blanc.

En 1939, Billie ose enregistrer «Strange Fruit», un poème de Lewis Allen évoquant les lynchages des Noirs. Elle dénonce ainsi ce que vit son peuple, une indicible souffrance que traduit chacune de ses inflexions vocales. Inutile de dire que cette audace lui coûtera cher.

Le documentaire rend très vivante toute une époque et notamment celle où Harlem était un haut lieu culturel, lorsque littérature et musique rivalisaient de création.

Si à distance talent et beauté caractérisent la chanteuse, héroïne et cocaïne qui croisent son chemin signalent la dureté de son existence. Lors d’une dernière cure de désintoxication, le 17 juillet 1959, son cœur lâche. Mais on ne cessera d’écouter et d’être bouleversé par cette voix, reconnaissable entre toutes, qui accorda une épaisseur sans pareille au moindre mot et qui, «jusque dans son naufrage, n’inspira que ferveur et respect», comme l’écrit le poète Jacques Réda.

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 16