Just Kids

Affiche Just Kids
Réalisé par Christophe Blanc
Titre original Just Kids
Pays de production SUISSE, FRANCE
Année 2020
Durée
Musique Florencia Di Concilio
Genre Drame
Distributeur Outside the Box
Acteurs Kacey Mottet-Klein, Andrea Maggiulli, Anamaria Vartolomei
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 841
Bande annonce (Allociné)

Critique

«Mélo teen movie» selon les mots du réalisateur, Just Kids joue avec les codes du genre mélodramatique sans y adhérer entièrement. Œuvre maîtrisée, portée par d’excellents acteurs et avec quelques scènes remarquables, elle stimule pourtant peu l’imagination du spectateur.

Lorsque Jack vient chercher son petit frère âgé de 10 ans au sport, ce dernier s’étonne. Pourquoi pas papa? Très vite, le couperet tombe, le mensonge ne dure pas: ce dernier s’est suicidé. Veuf, il laisse derrière lui trois orphelins. Jack, tout juste 18 ans, se retrouvera alors en charge de son frère cadet Titi (Mathis), tandis que leur sœur Lisa fuira son passé familial, ainsi que la ville de Grenoble, qui, encaissée, entre en résonance avec l’étouffement subi par ces jeunes. La relation des deux frères, l’un devenant le représentant légal de l’autre, leur manière de vivre ce délaissement et leur tentative d’évoluer ensemble tant bien que mal seront au centre du récit. Par un excellent jeu complémentaire, les acteurs évoluent en opposition. Andrea Maggiulli, au physique arrondi et l’air androgyne, impressionne par sa spontanéité devant la caméra, alors que Kacey Mottet-Klein (révélé par Ursula Meier dans Home) sec, aux traits anguleux, joue le rôle d’un nerveux dont la violence peine à être contenue.

Avec une narration pour le moins propice à tirer quelques larmes, le film évite pourtant par sa mise en scène le mélodrame, ou du moins s’amuse à en subvertir en partie les codes. Certes la musique est très présente, mais elle vise moins à accentuer l’aspect dramatique des situations qu’à constituer un exutoire émotionnel pour Jack ou à exprimer ce que ce dernier garde enfoui à l’intérieur de lui-même, caché derrière un masque d’indifférence. Le montage insiste d’ailleurs sur ce déni de se montrer fragile à l’égard d’autrui: si dans une séquence on le voit pleurer - tout en se dérobant à notre regard, dans un plan d’ensemble de nuit, la tête dans les bras - ou regarder tristement un album de photos familiales, il adopte, dans la scène suivante, le rôle de caïd en pleine débauche. Ce refus de la part du personnage de vivre dans un mélodrame apparaît de manière magistrale lors d’une séquence où, alors qu’il est dans une voiture arrêtée avec sa future petite amie, il met une musique émouvante et lui demande de regarder son frère effectuer des tours à vélo devant eux. Lorsque l’effet escompté est atteint - la faire pleurer -, il lui rétorque: «C’est fini les larmes». C’est ce que semble également désirer le réalisateur Christophe Blanc en présentant des personnages qui se refusent à subir leurs émotions et tentent au contraire d’agir en trouvant une échappatoire. Mais l’émotion se loge ailleurs pour le spectateur, là où on ne l’attend pas, par exemple lorsque, dans une mise en scène sobre, Titi, face à une nouvelle perte, implore son enseignante de lui promettre que tout ira bien, quitte à lui mentir.

Un dialogue finement élaboré s’instaure également avec le film policier. Alors que les raisons de la mort du père sont d’abord ignorées, pour le spectateur également, Jack se convainc qu’un voile d’énigme entoure ce décès. Il embarque donc son frère, ainsi qu’un ami, en Espagne pour y découvrir une triste vérité: là où Jack s’attend à du mystère, ne règne que le banal, le grotesque. «Le romanesque se dérobe et est toujours démenti par le réel», dira Christophe Blanc pour parler de cette trouvaille inattendue et géniale - que nous tairons ici - à laquelle Jack sera confrontée.

Si ce jeu avec les codes du genre du mélodrame ou du policier n’a bien sûr rien de nouveau - Michelangelo Antonioni apparaît exemplaire à cet égard, avec L’Avventura ou Blow-Up notamment -, il n’empêche que le réalisateur s’y adonne avec réussite, sans oublier de parsemer son film de clins d’œil cinématographiques, entre autres une veste en peau de serpent symbolisant la liberté du protagoniste. On préférera cette manière d’aborder le drame que celle proposée par Les Enfants du Platzspitz - autre film suisse avec une enfant comme protagoniste, plongée par sa mère dans un monde de la toxicomanie -, qui n’hésite pas à mettre tous les moyens formels à disposition pour émouvoir.

Mais malgré de belles idées isolées, un casting irréprochable, des émotions variées, il manque à Just Kids, pour qu’on y adhère totalement, une part d’originalité et de mystère (celle derrière laquelle court Jack), de non résolu, d’inconnu qui nourrit l’imagination du spectateur et l’inviterait à coconstruire le sens de l’œuvre.

Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 13