Ondine

Affiche Ondine
Réalisé par Christian Petzold
Titre original Undine
Pays de production ALLEMAGNE, FRANCE
Année 2020
Durée
Genre Conte,
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Franz Rogowski, Paula Beer
Age légal 12 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 841
Bande annonce (Allociné)

Critique

Après sa relecture, au futur, de l’Occupation dans Transit, Christian Petzold retrouve les magnifiques Paula Beer et Franz Rogowski pour un conte à la profonde mélancolie. Mais le rapport à l’histoire allemande n’est pas oublié et teinte le féerique d’un propos engagé.

«Ich weiss nicht was soll es bedeuten, dass ich so traurig bin. Ein Märchen von alten Zeiten, dass kommt mir nicht aus dem Sinn.» Les deux premiers vers du poème de Heine, «Die Lorelei», résonnent parfaitement avec le sentiment qui s’installe dès le début du film. Une tristesse sourde, enveloppante, accompagne partout la troublante Ondine, qu’elle se fasse abandonner par son compagnon ou qu’elle trouve un amour vrai auprès de Christoph. Il faut dire que l’une de ses paroles initiales flotte dans l’esprit du spectateur, adressée à celui qui la délaisse: «Si tu me quittes, tu sais que tu vas mourir».

Pourtant, l’histoire qui se noue entre elle et Christoph est emplie de tendresse, d’un sentiment profond qui semble pouvoir résister à tout. C’est d’ailleurs le talent de Petzold que de dépeindre une relation qui se tisse au fil des jours banals, à coup de silences et de regards, d’étreintes et de départs. Lui est scaphandrier et répare de vieilles turbines, elle est historienne et présente des maquettes de Berlin retraçant son évolution architecturale. Il est fasciné par le doux flux de ses conférences, elle plongera une fois dans les eaux profondes où il travaille pour découvrir les trésors enfouis du lac. Mais l’eau est partout ailleurs. Dans les couleurs de l’appartement d’Ondine, dans les bruits du train qui leur permet de se rejoindre, dans les yeux de la jeune femme, reflet d’un ailleurs inatteignable.

Rarement une ville, des personnages, des décors quotidiens auront autant renvoyé l’impression d’un monde englouti, ralenti, en apnée. Et la métaphore fonctionne, on s’immerge sans retour dans cette ambiance sous-marine. Malheureusement, il faut faire avancer le récit; sur le dernier tiers du film, les événements se précipitent, brisant le rythme lent, envoûtant, de cette eau dormante. Tout ce que le spectateur était libre d’imaginer se trouve soudain basculé dans la réalité, le charme est rompu, comme si le conte perdait en merveilleux à trop s’exposer. Reviens alors l’ondine piégée par son destin, celui de mangeuse d’hommes, quitte à se perdre définitivement.

Peut-être que la symbolique rapidement esquissée de la dernière partie s’explique par la tentation d’un message à faire passer. Son contenu serait alors à chercher du côté du métier d’Ondine, auquel sont consacrées plusieurs longues séquences. Ces plongées soudaines dans l’histoire berlinoise sont tout sauf gratuites. Qui a suivi l’œuvre de Petzold sait que ses romances s’ancrent toujours dans un contexte déchiré: la fin de la guerre pour Phoenix, les deux Allemagne pour Barbara ou encore l’Occupation dans Transit. Ici, face à une cité dont les restaurations successives effacent progressivement le passé - comme le raconte encore et encore la jeune femme -, face à des êtres coupés de leurs racines et donc absents aux autres, il semble qu’une reconstruction est encore possible. Et si elle doit découler de la perte, elle est tout sauf négation de ce qui a été.


Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 15
Sabrina Schwob 14
Georges Blanc 12