Notre-Dame du Nil

Affiche Notre-Dame du Nil
Réalisé par Atiq Rahimi
Titre original Notre-Dame du Nil
Pays de production FRANCE, BELGIQUE, RWANDA
Année 2019
Durée
Musique Louis Sclavis, Henri Texier, Aldo Romano
Genre Drame
Distributeur Trigon
Acteurs Pascal Greggory, Albina Kirenga, Malaika Uwamahoro
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 840

Critique

Avec Notre-Dame du Nil on se trouve au Rwanda en 1973, dix ans après l’indépendance du pays en 1962 et une vingtaine d’années avant les massacres génocidaires qui ont entraîné la mort de plus d’un million de personnes.

La tension est déjà très vive dans les années 70 - un coup d’état militaire vient d’avoir lieu - et l’on assiste aux premiers pogroms et affrontements meurtriers entre Tutsis et Hutus. L’écrivain et réalisateur afghan Atiq Rahimi a lui aussi connu de tels événements fratricides dans son propre pays: la similitude des situations, dit-il, est en partie à l’origine de ce film.

Prestigieux institut catholique un peu coupé de la réalité du monde, «Notre-Dame du Nil» accueille des jeunes filles rwandaises issues de très bonnes familles, essentiellement d’origine hutu - un quota de 10% de Tutsis dans les écoles est imposé par le gouvernement, mais sera aboli quelques mois plus tard. Dans cet institut, perché sur une colline au centre du pays, les pensionnaires partagent les mêmes dortoirs, les mêmes rêves et les mêmes problèmes liés à l’adolescence. Il y règne une discipline de fer, les disputes ne sont pas rares et vont contribuer à modifier le destin des jeunes filles. Adaptation en grande partie autobiographique d’un roman de l’écrivaine rwandaise (d’origine tutsi) Scholastique Mukasonga (Virginia dans le récit), le troisième film d’Atiq Rahimi parle de l’animosité naissante des Hutus à l’égard des Tutsis et se présente comme une préfiguration des horreurs à venir.

On relèvera d’emblée les grandes qualités formelles d’un film qui, en opposition à la violence naissante, se présente aussi comme un hommage aux humains et à la nature. C’est dans un décor étonnant et beau - le travail de l’opérateur est de grande qualité - que le récit de la vie des pensionnaires va glisser peu à peu vers la violence sociale d’abord, physique ensuite, et finalement meurtrière. La responsabilité étrangère (celle des colons allemands puis belges dans la naissance des conflits raciaux) est évoquée, le film se construisant souvent sur une forme de va-et-vient entre la mémoire du passé et les rêves d’avenir, sans que le réalisateur cherche à traduire visuellement - on peut le regretter - la vie quotidienne et extérieure à l’internat, celle de la population rwandaise: une voix «off» se présente comme celle du peuple et tente de donner au spectateur quelques explications sur le contexte général du Rwanda dans les années 70, mais c’est tout. Un personnage d’ancien colon belge un peu mystérieux, Monsieur Fontenaille (Pascal Greggory), le «Blanc» comme on l’appelle, permet de comprendre le rôle joué par les différentes ethnies du pays (Hutus, Tutsis et Twas) qui s’entendaient bien avant la colonisation allemande considérée comme responsable des premières divisions au sein de la population. Le rôle joué par l’Eglise et les institutions religieuses est aussi évoqué.

Le film est divisé en quatre parties (l’innocence, le sacré, le sacrilège et le sacrifice) qui reflètent l’évolution, en quelques mois, de la situation au sein de l’école et qui montrent comment naît et se bâtit peu à peu un climat de violence. A noter que le cinéaste, au travers des images et des séquences du film, tient le spectateur comme à distance de cette violence parfois sanglante: il n’y a là aucune volonté de sa part d’en faire un spectacle.

Dans le conflit qui s’amorce, on va suivre avant tout l’évolution de quatre pensionnaires d’origines différentes: d’un côté Gloriosa, fille d’un ministre hutu, et Frida, hutu également et fiancée d’un jeune ambassadeur; de l’autre Veronica et Virginia, toutes deux tutsis. Les deux premières seront à l’origine des perturbations initiales, puis des événements cauchemardesques qui surgiront, sans que la Mère supérieure ou le prêtre de l’école ne cherchent à intervenir. Pas plus que M. Fontenaille qui, lui, rêve de redonner le pouvoir aux Tutsis…

On notera que les vingt jeunes protagonistes féminines du film ont été recrutées sur place pour tenir les rôles principaux et que le réalisateur leur a transmis toutes les informations historiques et politiques indispensables. Leur implication dans le film est remarquable et Notre-Dame du Nil en est tout imprégné. Voilà un long métrage maîtrisé, intéressant, qui se présente comme l’évocation d’un problème universel - la naissance progressive d’une forme de haine, puis de violence - en même temps que le récit d’un retour sur les mécanismes historiques d’une tragédie humaine et sur les conséquences catastrophiques qu’elle a entraînées pour le Rwanda.

Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 17
Serge Molla 17