Bait

Affiche Bait
Réalisé par Mark Jenkin
Titre original Bait
Pays de production ROYAUME-UNI
Année 2019
Durée
Genre Drame
Distributeur Bellevaux
Acteurs Edward Rowe, Georgia Ellery, Isaac Woodvine, Mary Woodvine
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 837

Critique

«Poème visuel âpre et fascinant.» Cette formule usitée décrit néanmoins parfaitement Bait, objet filmique rare, porté à bout de bras par son créateur Mark Jenkin et une équipe d’acteurs non professionnels éblouissants.

Impossible de passer outre la matérialité du film, qui s’impose à chaque plan. Tourné dans un 16 mm noir/blanc, Bait évoque d’abord, par son grain de pellicule et son format carré, une captation photographique d’un décor portuaire, de ses gestes, de ses visages marqués, de ses corps lourds. En cela, il s’inscrit sans peine dans la lignée de L’Homme d’Aran de Flaherty ou du cinéma soviétique des années 1920.

     Mais c’est surtout un film qui peut s’expérimenter, s’explorer selon diverses voies. Celle du récit d’abord, drame tendu, sur le fil, alors que les touristes investissent les côtes pour l’été, obligeant les pêcheurs à l’inaction, au retrait. Il ne faudrait pas que les bateaux à l’aube ou les camionnettes parquées le long du quai viennent déchirer leur repos, gâcher leur vue. Si la pêche s’en retrouve amoindrie, compliquée, cela importe peu puisqu’ils ont investi cette région, permettant aux plus malins (ou aux plus faibles) de se reporter sur l’accueil des vacanciers. Un homme, Martin (Edward Rowe), continue à lancer ses filets et ses nasses depuis la plage, refusant de renoncer à son métier ou à sa dignité pour ces gens de l’extérieur.

     Toutefois, l’essentiel est ailleurs. Déjà, dans la seule succession des images, qui s’entrechoquent dans un montage ne cessant d’anticiper sur la suite, mélangeant les moments du film en de brefs éclats, redéfinissant ainsi tant la notion d’analepse (saut en avant) que de montage alterné (deux actions se déroulant au même moment, montrées en alternance). A ce flux heurté répond la surface, tantôt brillante, tantôt granuleuse des plans, véritables tableaux de matière, qu’ils soient portraits ou marines, détail de gouvernail poli par les mains ou plage dans les brumes du matin.

     Et enfin, il y a la piste sonore, constituée des rares dialogues, cri rauque ou parole brève, et des bruits maritimes, de l’eau aux grincements des bateaux, des bottes sur la grève au silence. C’est ce dernier qui s’impose, le temps de laisser les regards dire la colère, le défi ou la compassion retrouvée. Le temps de fixer pour longtemps ces hommes et cette côte embrumée dans notre esprit.

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 16