Canción sin nombre

Affiche Canción sin nombre
Réalisé par Melina León
Titre original Canción sin nombre
Pays de production PÉROU / ESPAGNE / USA
Année 2019
Durée
Genre Drame
Distributeur Trigon-film
Acteurs Pamela Mendoza, Tommy Párraga, Lucio A. Rojas
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 837

Critique

Par le récit de Georgina, une jeune femme quechua dont l’enfant a été volé, c’est un portrait de la société péruvienne des années 1980 qui est dessiné. Justice et médias sont dénoncés comme complices, moins par le discours que par une mise en scène impressionnante et maîtrisée.

Vendant des pommes de terre à Lima pour gagner sa vie, Georgina Condori, bientôt au terme de sa grossesse, entend un jour à la radio qu’une pseudo-clinique aide les personnes en difficulté financière à accoucher. Son mari, qui, pour survivre, se voit contraint d’entreprendre des activités criminelles, ne pourra l’y accompagner. Après l’accouchement, les infirmières, prétextant devoir utiliser la chambre pour une autre patiente, l’expulsent, sans qu’elle n’ait même vu son enfant. Le lendemain, la clinique disparaît. Epaulée par Pedro Campos, un journaliste de Republica, journal national populaire, elle tentera alors de le retrouver.

     Dans une veine réaliste, différents aspects de la société péruvienne sont abordés: de magnifiques séquences de danses traditionnelles (notamment celle du début) parsèment le film, un noir et blanc contrasté saisit les rues grouillantes de Lima, les bidonvilles trônent en arrière-plan, la discrimination à l’égard de la population quechua est abordée. Tout comme la marginalisation des personnes homosexuelles est révélée par la relation amoureuse entre Pedro et un comédien. Ces dernières scènes contrastent avec le reste du film, par l’échappée musicale et joyeuse qu’elles offrent au personnage comme au spectateur.

     L’ambition réaliste de l’œuvre s’exprime dès l’ouverture, par des manchettes de journaux des années 1980, informant sur les violences commises par le Sentier lumineux (groupuscule communiste), l’inflation, la pauvreté… Le rôle des médias par la suite sera moins glorieux: la radio et la presse muselée (Pedro est menacé lors de l’enquête) participent à rendre le trafic d’enfants possible.

     C’est avec une sensibilité déconcertante que la réalisatrice parvient à nous faire éprouver l’impuissance des protagonistes, mesurer la fatalité qui pèse sur eux et qui les contraint à évoluer dans l’ombre, sans que leurs voix ne soient jamais entendues. Georgina devient ainsi minuscule dans le palais de justice où la symétrie des décors et la dominance des lignes verticales la réduisent à néant. Plus généralement, le champ de la caméra est toujours obstrué par des objets ou des passants, donnant l’impression d’un regard qui surveille leurs actions. L’absence d’horizon visuel, merveilleusement scénographiée par la confusion noir et blanc des décors d'arrière-plan, signale quant à elle l'imperceptibilité de l'avenir. Et le jeu de l’actrice Pamela Mendoza, qui interprète Georgina avec une justesse et une retenue remarquables, ajoute à la grandeur de Canción sin nombre, film dont les nombreuses sélections en festival (à la Quinzaine des réalisateurs notamment) sont plus que méritées.


(Voir aussi les lignes de Jeanne Rohner dans CF n. 813/4 - Cannes 2019, pp. 29-30.)


Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 19