Femmes d'Argentine (Que Sea Ley)

Affiche Femmes d'Argentine (Que Sea Ley)
Réalisé par Juan Solanas
Titre original Que Sea Ley
Pays de production Argentine, France, Uruguay
Année 2019
Durée
Musique Paula Moore
Genre Documentaire
Distributeur Agora
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 830
Bande annonce (Allociné)

Critique

Alors que l’Argentine s’apprête à voter pour la légalisation de l’avortement, des milliers de femmes descendent dans la rue, dans l’espoir que le Sénat entende leurs voix. Juan Solanas a saisi ces heures historiques, mais sans réussir à leur insuffler grand-chose de plus.

Au début du mois d’août 2018, l’Argentine a vécu suspendue à la décision de ses parlementaires d’abolir l’interdiction de l’IVG. Le réalisateur Juan Solanas a décidé de suivre les heures menant au vote en interrogeant ses compatriotes et essayer de faire entendre leurs revendications. Il n’exclut aucun milieu, alternant entre sénatrices et médecins, anciennes prostituées et jeunes militantes, défenseurs «pro vie» et prêtres peu convaincus par le dictat opéré sur le corps, le choix et la vie des femmes. Dans un pays où une femme meurt chaque semaine des suites d’un avortement illégal, les récits rapportés ne peuvent que révolter.

Et de fait, pris aux tripes par les détails atroces d’avortements qui ne se distinguent de la torture que par le nom, soulevé par les chansons et slogans des femmes qui affrontent la pluie et la nuit pour manifester, le spectateur n’a guère la place pour réfléchir à ce qu’il voit. Presque inévitablement, la puissance des témoignages - parfois terrifiants jusqu’à la nausée - prime sur le propos du film. Il ne s’agit pas de dire ici que ne devraient subsister que les témoignages, la «vérité brute» des paroles, mais que, justement, un film devrait proposer plus que cela. Ou en tout cas ne pas se laisser avoir par une fausse idée d’objectivité, où il suffirait de capter les choses pour en rendre compte.

Or, le peu que le cinéaste amène à ces prises de parole bouleversantes ou révoltantes sont des images dignes d’un catalogue de voyage, mettant en avant la beauté des régions qu’il a parcourues pour rencontrer les victimes et témoins. Tout à fait gratuites, elles rendent (et sont rendues) d’autant plus dérangeantes par les quelques plans misérabilistes tournés avec les familles frappées par la perte d’une fille, d’une mère, d’une sœur. Dans ces régions où la pauvreté tue plus certainement que tout le reste, montrer les enfants orphelins d’une des jeunes disparues, grands yeux et petits sourires à l’appui, fait grincer des dents. Un appel à la compassion facile dont le film, et son spectateur, se seraient bien passés.

Même problème avec les en-têtes qui structurent le film en chapitres sur «le militantisme», «la religion», «l’hypocrisie», etc. Alors que le geste de départ était de capter ces nombreuses voix qui continuent de ne pas être entendues, dans toute leur diversité, le film vient les encadrer, les assigner à des thématiques auxquelles elles échappent la plupart du temps. Trouver une forme qui laisse s’exprimer la parole: le geste est sans doute difficile à réaliser, surtout dans un tournage propulsé par les événements et mené dans l’urgence. Mais si le cinéma n’a rien à dire de plus que l’actualité, est-il encore pertinent?

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 9