Los Sonámbulos

Affiche Los Sonámbulos
Réalisé par Paula Hernández
Titre original Los Sonámbulos
Pays de production Argentine, Uruguay
Année 2019
Durée
Musique Pedro Onetto
Genre Drame
Distributeur trigon-film
Acteurs Daniel Hendler, Erica Rivas, Luis Ziembrowski, Marilu Marini, Valeria Lois
N° cinéfeuilles 835

Critique

Avec Los sonámbulos, la réalisatrice argentine Paula Hernández nous offre une plongée vertigineuse dans les relations familiales au cœur d’un été étouffant. Elle dit aussi l’âge délicat de l’adolescence, la difficulté à être fille, mère ou femme: des sujets lourds qui rendent la traversée tout sauf agréable.

On ne s’en cachera pas, pas un seul instant le film ne relâche son étreinte. Dès l’ouverture, dans un appartement baigné par l’obscurité, se propage un sentiment de désorientation, les espaces se fondant en une longue suite de taches de couleurs et de zones d’ombres dans lesquels les personnages semblent disparaître - ou en des lignes de fuite qui se dérobent toujours au regard. Luisa (Erica Rivas) y cherche sa fille Ana (Ornella D’Elía), somnambule, au sein de ce qui ressemble déjà à un cauchemar. Il n’en sera pas autrement pour la suite du récit, alors que la nature sauvage de la campagne s’impose comme le seul décor, labyrinthique, du drame.

Il s’agit, en apparence, d’un simple début de vacances pour Ana, Luisa et son mari Emilio, qui se rendent dans la propriété de leur jeunesse. Là, ils retrouvent cousins, oncle et tante, grand-mère et habitudes. Pourtant, le soleil, le cadre idyllique de cette grande demeure où se déploient tout de suite les jeux innocents des enfants détonnent très vite avec la menace qui pèse - venant d’on ne sait où. Les tensions palpables, réveillées par quelques paroles échangées dans le désordre de l’arrivée, contribuent à ce sentiment d’inéluctable. Mais c’est surtout la caméra serpentine qui donne le mouvement, elle qui traque sans répit les personnages, à portée de souffle de leurs nuques offertes.
Ce mouvement, c’est celui du pendule capricieux des relations. Alors qu’Ana entre de plein pied dans les troubles de l’adolescence, sa mère ne parvient plus à nouer le dialogue. Coupée de sa fille, elle hésite entre se tenir à distance et la surprotéger, guettant tous les signes inquiétants sans pouvoir les effacer d’une caresse ou d’une parole. La présence, aussi charmante que venimeuse, du cousin plus âgé d’Ana, Alejo, ne va cesser de creuser l’écart entre les deux femmes. Les autres présences ne sont pas plus rassurantes: la matriarche, qui veut à tout prix vendre la maison, se montre sans compassion pour ses enfants, ses fils comme sa fille s’empêtrent dans leurs insuffisances, le couple Emilio-Luisa s’effiloche peu à peu.

Et à côté, les enfants se baignent, se chamaillent et se perdent peu à peu, comme contaminés par ce monde de grands, qui avancent en aveugle dans la vie (ce que le titre du film désignait déjà). C’est également à ce croisement que le film se perd à son tour: entre les non-dits des adultes et la souffrance tue des plus jeunes, entre la famille et le couple, entre poids du passé et incertitude face à l’avenir, Los sonámbulos cherche à dire trop. On reste frustré devant la finesse de toutes ces lignes narratives, que l’on aurait aimé suivre, mais qui se referment brutalement pour amener à la résolution finale, inévitable, attendue, atroce.

De cette dernière, d’ailleurs, on ne sait trop que penser. A la fois évidente et dérangeante, elle amène à se demander ce que l’on est censé faire d’une conclusion, et d’une œuvre, comme celles-là. Preuve, peut-être, qu’elles se sont refermées sur nous aussi fortement que sur tous ces destins brisés.

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 13