Tu mourras à 20 ans

Affiche Tu mourras à 20 ans
Réalisé par Amjad Abu Alala
Titre original You Will Die at 20
Pays de production Soudan, France, Egypte, Allemagne, Norvège, Qatar
Année 2019
Durée
Musique Amine Bouhafa
Genre Drame
Distributeur Pyramide Distribution
Acteurs Mustafa Shehata, Islam Mubarak, Mahmoud Elsaraj, Bunna Khalid, Talal Afifi, Amal Mustafa
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 831
Bande annonce (Allociné)

Critique

Salué dans plusieurs festivals, You Will Die At 20 bénéficie d’une sortie en streaming (via la plateforme suisse Filmingo). Une initiative qui permet de valoriser un cinéma africain encore trop rare sur nos écrans et de découvrir un drame entre onirisme et fatalité, qui explore le lourd tribut qu’il faut payer pour devenir soi-même.

Amené à sa naissance devant le cheikh pour être béni, Muzamil se voit frappé d’une sentence terrible, prononcée par l’un des chamans présents: il mourra à 20 ans. Détruit par la nouvelle, son père fuit chercher du travail dans la grande ville, laissant sa femme Sakina porter enfant, foyer et désespoir. Le jeune garçon, devenu adolescent, vit confiné dans les limites du village et d’un destin tracé. L’arrivée en ces lieux de Sulaiman, un homme au passé chargé, va introduire dans ce tombeau avant l’heure les parfums du monde extérieur.

Ce qui frappe peut-être en premier, c’est la vacuité de ce personnage principal, tout sauf héros de sa propre vie. Une absence, traduite par le regard vide et le visage fermé de Mustafa Shehata, qui fait qu’on ne peut pas, qu’il n’est pas prévu que l’on s’attache à lui passée l’enfance, où une partie de son être cherche encore le dehors, les jeux simples avec ses compagnons, l’affection de son amie Naima, la reconnaissance des adultes.

Car Muzamil se laisse peu à peu enfermer dans la douleur en suspens de ses proches, symbolisée par les murs étroits de sa maison, les intérieurs sombres dans lesquels il évolue. Seule parfois une percée de lumière, ou les tentures aériennes et colorées de la maison de Sulaiman, semblent indiquer la possibilité d’une libération. Mais qu’il est dur de lutter contre croyances, traditions et devoirs familiaux, lorsqu’on n’a jamais eu les moyens de se construire.

Dès lors, l’attention se porte sur ceux qui l’entourent, dont les sentiments complexes le façonnent de l’extérieur, tirant dans des directions opposées. La figure paternelle, voire même sacrificielle de Sulaiman, permet la mise en place d’une relation fragile mais décisive, traversée d’ombre et de lumière (ce n’est sans doute pas par hasard qu’il fait découvrir à Muzamil le cinéma). Aucune critique ouverte n’est prononcée contre la mère, qui condamne son fils par un deuil anticipé ou contre l’ardeur des imams à faire apprendre le Coran à ce jeune garçon, pour qu’il meure en homme digne, destiné à retourner à Dieu sans expérimenter vraiment la vie sur terre.

Et pourtant, pèse sur ces destins, et sur le récit, le poids étouffant des non-dits, des frustrations pour lesquelles la seule réponse est en général: Allah ne dit que la vérité. Participe de cette lourdeur un rythme qui perturbe nos habitudes de spectateur, chaque scène, chaque événement étant traité de la même façon, estompant ainsi l’intensité du drame. Jouant par ailleurs sur les frontières floues entre présages, rêves et réalité, fantômes présents et vivants disparus, le film nous entraîne à la suite de Muzamil dans une forme de torpeur envoûtante, par moments déconcertante.

Il faudra la perte, des illusions comme des êtres chers, pour que Muzamil puisse enfin espérer vivre, à l’image de son pays, secouant encore timidement la malédiction qui pèse sur sa jeunesse - à qui il est rendu hommage au début du générique - et son cinéma : You Will Die At 20 est le premier long métrage soudanais réalisé depuis quarante ans. Tant qu’à énoncer une prophétie, nous choisissons la suivante: que ce réveil perdure!

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 14