Je ne sais pas si c'est tout le monde

Affiche Je ne sais pas si c'est tout le monde
Réalisé par Vincent Delerm
Titre original Je ne sais pas si c'est tout le monde
Pays de production France
Année 2019
Durée
Musique Vincent Delerm
Genre Documentaire
Distributeur Arte
Acteurs Jean Rochefort, Vincent Dedienne, Aloïse Sauvage, Alain Souchon, Eléonore Klarwein, Emmanuel Noblet
N° cinéfeuilles 827
Bande annonce (Allociné)

Critique

Connu avant tout pour ses compositions musicales - indissociables du cinéma, partout en filigrane - Vincent Delerm se lance pour la première fois dans la réalisation d’un long métrage composé de récits intimes, anecdotiques, entrant en résonance avec l’expérience du spectateur.

Difficile de distinguer l’œuvre musicale, dont les paroles sont parfois plus récitées que chantées, de l’œuvre cinématographique de Vincent Delerm, tant les deux semblent inextricablement liées. Des titres tels que Vie Varda, Tous les acteurs s’appellent Terence, Deauville sans Trintignant expriment ce rapprochement, tout comme les évocations visuelles dont se compose sa musique. De manière plus concrète encore, le titre du film réfère à une chanson au nom éponyme qui reprend, en condensé, certains témoignages présents dans ce dernier.

On ne s’étonne guère qu’en retour les potentialités de l’image soient mises à profit pour multiplier les dialogues entre différents arts. Il y a d’abord un soin méticuleux apporté aux plans, proches de la photographie - parfois en noir et blanc, parfois en couleurs, avec un grain plus ou moins apparent. Mais aussi des séquences de breakdance d’Aloïse Sauvage, une mise en scène qui rappelle le théâtre (un couple qui se court après sur un dispositif circulaire en mouvement), des dessins de l’illustrateur Stéphane Manel ou encore des textes écrits par le réalisateur; dont l’un est lu par Jean Rochefort, qui apparaît pour la dernière fois de sa vie à l’écran. Quant à la musique (issue principalement de son album A présent), elle a notamment pour fonction de lier l’ensemble des récits intimes, anecdotiques dont est constituée l’œuvre. Les séquences acquièrent dès lors une autonomie, même si elles se répondent entre elles, par des personnages qui circulent, des aires qui reviennent, à la manière des échos que peuvent avoir des chansons entre elles au sein d’un album.

Autre liant, une thématique. Celle de l’incertain, de l’hésitation, qui se retrouve dans les paroles balbutiantes, interrompues de quelques-uns, ou encore dans l’image, qui, par un jeu de focale, rend des parties du plan flou. C’est aussi un doute existentiel, lié à la vie elle-même, par «cette manière de vivre à côté des autres sans être jamais certain de les comprendre», selon des mots empruntés à l’artiste, qui crée une cohésion d’ensemble. Le texte prononcé en voix-over est simple, presque naïf, mais percutant, traduisant une recherche paradoxale d’être au plus proche de l’autre tout en admettant la distance qui nous sépare irrémédiablement. C’est donc en partant de ce qu’il y a de plus personnel - ce qui pourra en agacer plus d’un -, chez lui et les autres que le réalisateur cherche à rejoindre le tout le monde du titre. Ou du moins quelques uns. Ceux présents dans la salle, à ses concerts.

Si le film nous convainc tant, c’est qu’il parvient à redonner à des phrases qui, dénuées de leur contexte, sonnent creux, tellement elles ont été répétées qu’elles en deviennent clichés mais qui une fois ancrées dans une existence singulière reprennent leur sens, donnant le goût de vivre, du bonheur, loin de l’ironie et du désenchantement, cherchant à retenir, le temps d’un film, au moins, «les choses, les gens, le cœur qui bat».

Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 19