Les Misérables

Affiche Les Misérables
Réalisé par Ladj Ly
Titre original Les Misérables
Pays de production France
Année 2019
Durée
Musique Pink Noise
Genre Policier, Drame
Distributeur Filmcoopi
Acteurs Damien Bonnard, Alexis Manenti, Djebril Didier Zonga, Issa Perica, Al-Hassan Ly, Steve Tientcheu
Age légal 14 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 823
Bande annonce (Allociné)

Critique

Les misérables d’aujourd’hui, ce sont les habitants et les policiers de ces quartiers clos de banlieues, qui favorisent la fermentation de la violence. Le réalisateur Ladj Ly y a grandi et s’en souvient dans un film cru, mais d’une rare objectivité.

C’est à Montfermeil, à l’ouest de Paris, que Victor Hugo situe une partie de son roman Les Misérables qu’il a écrit en 1862. Ce n’est pas parce qu’il a des lettres, mais parce qu’il l’a lu dans le site de la commune que Stéphane (Damien Bonnard) peut l’affirmer. Car, quittant Cherbourg pour venir travailler dans la brigade anticriminalité de la cité, il s’est informé sur l’endroit. Pourtant, ce à quoi il ne s’attend probablement pas, c’est à la tension palpable dans les rues. Les populations sont constituées pour l’essentiel d’Africains dont les enfants règnent en maîtres sur le bitume. Stéphane se retrouve immédiatement au front, avec ses collègues Chris (Alexis Manenti) et Gwada (Djebril Didier Zonga), dont les méthodes qui le choquent vont conduire à un grave dérapage.

D’origine malienne, le réalisateur Ladj Ly a grandi à Montfermeil avec une passion, le cinéma, et un thème de prédilection, les débordements policiers. Après quelques films courts, dont Les Misérables, il développe celui-ci en un premier long métrage que va retenir la compétition officielle du Festival de Cannes, où il y obtient le Prix du Jury ex aequo et le Prix CST de l'artiste-technicien. C’est ce long métrage que projettent les salles de Suisse romande.

Le quartier des Bosquets, à Montfermeil (le fameux département 93 de la Seine-Saint-Denis), est un ensemble de barres d’immeubles en béton qui concentrent une masse de locataires peu fortunés. Il y a longtemps que les classes moyennes ont déserté les lieux tandis que s’y enracine une société de type communautaire. Tout le monde se connaît, se soutient, se méfie et se défend contre la police.

La voici, la police. Chris, le chef de la brigade, use d’emblée d’un langage excessif et de prérogatives peu compatibles avec la loi. Suspicions hâtives, fouilles inopportunes, injures. En face, l’agressivité ne désarme pas, chauffée par l’attitude de la patrouille. Mais au fond, qui provoque qui?

C’est ici que Ladj Ly démontre sa profonde compréhension du lieu et sa remarquable objectivité, lui qui considère comme une arme l’art en général, le cinéma en particulier. Il sait que les habitants comme les policiers vivent dans la même misère sociale. Certes, les seconds n’habitent pas le quartier, mais ils y travaillent en permanence, sont confrontés sans repos aux mêmes crises, aux mêmes infractions. Tandis que les premiers, abandonnés par l’Etat, y édictent leurs propres règles.

Le réalisateur sort des clichés et apporte son témoignage. Exposant le point de vue de la patrouille, il ne montre ni la police, ni la population comme deux masses anonymes, mais chacune avec ses personnages différenciés, qui possèdent leurs réactions et leurs ressources propres. Des sentiments très divers, parfois contradictoires, se confrontent en eux, il faut beaucoup de doigté pour éviter l’explosion, pourtant le besoin de confiance réciproque est tout aussi à fleur de peau.

Avec une mise en scène de style documentaire - des faits réels servent de base au scénario - il place les spectateurs au cœur de la bataille, l’empêche de prendre parti, l’oblige à nuancer son point de vue. Les images illustrent magnifiquement le contexte : horreur et déraison ! Et l’on se dit que lutter contre le communautarisme, c’est bien. Mais encore faudrait-il en éliminer ce qui le construit et l’entretient, ces quartiers dégradants où le terme «avenir» ne veut pas dire grand-chose. Quoique: Ladj Ly vient d’y ouvrir une école de cinéma. Gratuite.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15
Serge Molla 17
Anthony Bekirov 20
Georges Blanc 19
Kevin Pereira 20
Blaise Petitpierre 18
Sabrina Schwob 18
Alexandre Vouilloz 19