Papicha

Affiche Papicha
Réalisé par Mounia Meddour
Titre original Papicha
Pays de production France, Algérie, Belgique, Qatar
Année 2019
Durée
Musique Robin Coudert
Genre Drame
Distributeur Cineworx
Acteurs Nadia Kaci, Yasin Houicha, Lyna Khoudri, Shirine Boutella, Amira Hilda Douaouda, Zahra Doumandji
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 821
Bande annonce (Allociné)

Critique

«Papicha.» En dialecte françarabe et dans le premier film de Mounia Meddour: une jeune fille belle, libre… mais pas si drôle que ça. Car derrière la jeunesse algérienne des années 90 se profile une menace tout de noir vêtue.

C’est en partie sa propre histoire que la réalisatrice tente de capter avec cette peinture d’un groupe de jeunes étudiantes d’une Cité universitaire durant la montée des extrémismes en Algérie. Elle a connu les jours sombres où les pamphlets religieux sont venus recouvrir l’enseignement de la littérature et les burkas le corps des filles. Jusqu’à ce que ses parents, intellectuels et donc directement visés, émigrent en France.

Elle érige en héroïne Nedjma (Lyna Khoudri), passionnée de mode à côté de ses études, refilant ses créations aux filles des quartiers riches au détour des toilettes d’une boîte de nuit. Cette vie dorée, entre escapades nocturnes et rencontres amoureuses éphémères - traitée comme si les basses des discothèques étaient la seule représentation possible d’une forme de liberté adolescente - bascule vite alors qu’au dehors restrictions, menaces et assassinats se multiplient. Nedjma décide de monter un défilé de mode, pour affirmer l’indépendance de l’Algérie, et de ses jeunes femmes, face à l’obscurantisme religieux.

Le problème central de Papicha se cache pourtant là, sous l’ombre qui recouvre les motivations et l’identité exactes des extrémistes. Bien sûr, symboliser le mal plutôt que l’identifier permet de traiter l’Histoire de manière plus subjective, intimiste, poétique. Mais sa mise à l’écart dans le hors champ pousse le spectateur ignorant du conflit civil qui s’est déployé sur près d’une décennie entre plusieurs groupuscules, à adhérer inconditionnellement à la révolte de Nedjma et de ses amies.

Le film fait par ailleurs tout pour nous coller à leur regard, la caméra ne s’éloignant jamais beaucoup des visages, enserrant les corps et les gestes comme une incarnation de la menace qui pèse sur eux. L’espace de la ville n’existe pas; ne restent que les plans vides des couloirs de la Cité. Un lieu presque abstrait à force de dépouillement, où se nouera le drame. Car la violence surgit à plusieurs reprises, au hasard des attentats, elle aussi toujours dissimulée par les bords du cadre, l’obscurité ou - dans l’une des scènes les plus fortes du film - par le flou de l’arrière-plan, alors que l’expression de Nedjma, face à nous, se fige puis se décompose.

Malgré ces éclats de virtuosité, y compris dans le jeu magnifique des actrices qui donnent vie - et quelle vie! - à ces filles, mères, sœurs, victimes, on aurait aimé que des nuances apportent un cadrage plus large au sujet, par exemple pour interroger le choc entre tradition islamique et culture occidentale (les filles suivent d’ailleurs des cours de littérature française), dont les répercutions complexes semblent s’incarner dans la production même du film, tourné par une immigrée mais financé par le Qatar, guère connu pour son soutien aux droits de l’homme. Quant à ceux des femmes...

Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 12
Serge Molla 14