Atlantique

Affiche Atlantique
Réalisé par Mati Diop
Titre original Atlantique
Pays de production France, Sénégal, Belgique
Année 2019
Durée
Musique Fatima Al Qadiri
Genre Drame
Distributeur trigon-film
Acteurs Mama Sané, Ibrahima Traore, Abdou Balde, Aminata Kane, Ibrahima Mbaye, Amadou Mbow
N° cinéfeuilles 819
Bande annonce (Allociné)

Critique

Histoire d’amour, film policier, mais aussi fantastique, le premier long métrage de la franco-sénégalaise Mati Diop utilise plusieurs genres pour illustrer un seul sujet, la jeunesse sénégalaise d’aujourd’hui.
L’Europe reçoit du bout des doigts les bateaux d’immigrants venus d’Afrique. Elle connaît sans trop s’y arrêter la difficulté du voyage qu’ils ont accompli pour arriver jusqu’à ses côtes; elle sait aussi qu’ils cherchent du travail. Mais que comprend-elle à ce qui se passe de l’autre côté de leur aventure, à ce qui les a déterminés à partir? Pas grand-chose. Cet autre côté a inspiré Mati Diop à réaliser ce long métrage. «Pour moi, il n’y a pas les morts en mer d’un côté et les jeunes en marche de l’autre. Les vivants portent en eux les disparus qui, en partant, ont emporté quelque chose de nous avec eux; il s’agit d’une seule et même histoire collective.»
A Dakar, on construit un quartier de luxe, mais les ouvriers ne sont pas payés depuis quatre mois. Souleiman (Ibrahima Traore), désespéré, va retrouver la jeune fille qu’il aime, Ada (Mame Bineta Sane), promise à un garçon très riche. Puis, sans autre espoir que l’ailleurs, il prend la mer sur une pirogue avec un groupe de garçons. Quelques jours plus tard, la fête de mariage d’Ada est sabotée par un incendie; les pompiers ne découvrent aucun départ de feu.
Mati Diop ne suit pas les garçons qui émigrent; elle pose sa caméra à Dakar et traduit la peine de ceux qui restent, leur façon d’éconduire le malheur et même de s’en sortir en refusant la fatalité. Son histoire fait appel à la magie pour répondre à la délicate question de l’injustice. Le symbole choisi est fort - les hommes s’en remettent aux femmes pour prendre leur revanche - mais, par définition, il est incapable d’ébaucher une solution. Dans la réalité, le fait demeure que des classes richissimes et corrompues profitent de la population pauvre et la poussent à s’exiler.
D’ailleurs, si le petit monde qui entoure Ada fait l’objet de toutes les attentions, on ne peut jamais oublier ceux qui sont partis car les séquences sont sans cesse entrecoupées par des plans entièrement occupés par la mer. Ils consacrent la plus belle réussite du film en imposant, par leur ressassement, à la fois la grandeur de l’espoir et l’immensité de la tragédie. Ce sont des images magnifiques et d’une signification profonde, dans lesquelles tout est exprimé par le roulement incessant des vagues.
Les autres fils suivis par Atlantique, enquête policière, mariages forcés, misère, se mêlent à la sorcellerie qui fonde le récit et sont parfois difficiles à démêler; confus aussi, parfois, les fantasmes des filles. Ces choix du scénario risquent de brouiller une narration rendue délicate par le propos: comment réagir face à la perte? Penser aux disparus suffit-il à les faire revenir? Quelle que soit la réponse, il faudra bien continuer à vivre.

Geneviève Praplan

Appréciations

Nom Notes
Geneviève Praplan 15
Serge Molla 14