Réalisé par | Kleber Mendonça Filho, Juliano Dornelles |
Titre original | Bacurau |
Pays de production | Brésil, France |
Année | 2019 |
Durée | |
Musique | Mateus Alves, Tomaz Alves Souza |
Genre | Drame, Thriller, Western |
Distributeur | Zinéma |
Acteurs | Udo Kier, Sônia Braga, Barbara Colen, Thomas Aquino, Silvero Pereira, Thardelly Lima |
Age légal | 16 ans |
Age suggéré | 16 ans |
N° cinéfeuilles | 819 |
Prix du Jury ex aequo à Cannes
Western revisité, Bacurau dialogue avec le Cinema Novo, mouvement cinématographique des années 60, par son parti pris résolument politique et le choix du Sertão comme décor, région semi-aride et pauvre du Nordeste brésilien.
Cette première collaboration à la réalisation (Juliano Dornelles était à la direction artistique des deux précédents longs métrages de Kleber Mendonça Filho), ne s’inscrit plus, comme c’est le cas des Bruits de Recife (2012) et Aquarius (en compétition à Cannes en 2016), à Recife, ville d’origine des cinéastes. Les décors sont ceux d’un village (fictif) de terre battue, isolé au fin fond du Sertão: Bacurau - nom d’un oiseau nocturne et symbole de résistance dans la mythologie indigène.
Comme dans Les Bruits de Recife, la résistance est celle du peuple. Dans celui-ci, elle se faisait contre un propriétaire qui avait le monopole des maisons d’un quartier de la ville; ici elle s’organise dans le village de Bacurau face à une menace diffuse. Suite à des décisions politiques entraînant la construction d’un barrage, l’eau est livrée par camion-citerne à Bacurau. Progressivement, et consécutivement au mécontentement manifesté sur place, le village finit par disparaître aux yeux du monde, n’apparaissant plus sur la géolocalisation, étant coupé ensuite d’internet, puis sans électricité, ni eau…
Par ce scénario, c’est une réflexion politique sur la domination qui est engagée. Comme dans les préceptes théoriques à l’origine du Cinema Novo (voir «Un regard sur» dans CF n. 802), les Etats-Unis constituent un anti-modèle qu’il faut mettre à mal, bousculer. Les codes du western sont ainsi repris et inversés: les Américains, sortis de nulle part dans le récit, sont du côté des puissants et, comme dans un jeu, mettent à exécution des stratégies d’élimination des locaux. Leur force: la possession et le contrôle des dispositifs technologiques d’observation.
Contrairement à la bande-annonce qui laisse attendre un film d’épouvante, l’œuvre cherche avant tout à saisir les particularités de la vie de cette communauté (parfois en désaccord mais profondément solidaire dans la misère), en les inscrivant dans des plans d’ensemble, le tout baigné dans une lumière dorée.
L’une des séquences les plus réussies s’amorce avec l’arrivée du maire, Tony Junior, qui, les élections approchant, cherche à récolter quelques voix, en offrant «généreusement» des denrées périmées, des médicaments - dont l’effet principal est l’addiction - et une tonne de livres, déversés négligemment par un tracteur au seuil de l’école primaire. Le seul imprévu: comme signe de résistance, les habitants se soustraient aux yeux du pouvoir; Bacurau semble désertée, comme ces villages fantômes du Far West américain. La répétition de cette stratégie lors d’une chasse à l’homme, qui a pour cible les habitants de Bacurau permet métaphoriquement d’exprimer le rapport carnassier des politiciens au peuple opprimé et déconsidéré.
Par touches discrètes, des éléments de la culture proprement brésilienne sont convoqués: un homme improvise à la guitare une chanson dont les paroles se composent en fonction de la situation, et met à mal les deux larbins des Américains. Ou encore par la photographie d’une manchette de journal sur les Cangaçeiros - robins des bois nationaux. Ces reflets discrets de la culture locale, omniprésents déjà dans le Cinema Novo, quoique très réussis, s’éloignent de l’originalité et de l’étrangeté du premier film du réalisateur, Les Bruits de Recife, où l’essentiel reposait sur des non-dits, des ellipses dans la vie des personnages… Pourtant, réflexion sur le pouvoir, la destruction d’une culture locale, Bacurau se fait l’écho d’une situation urgente, compte tenu de la déconsidération du président actuel pour les populations indigènes…
Sabrina Schwob
Nom | Notes |
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Sabrina Schwob | 18 |
Kevin Pereira | 17 |
Serge Molla | 14 |