Le Daim

Affiche Le Daim
Réalisé par Quentin Dupieux
Titre original Le Daim
Pays de production France, Belgique
Année 2019
Durée
Genre Comédie
Distributeur Praesens Film
Acteurs Jean Dujardin, Adèle Haenel, Albert Delpy, Pierre Gommé, Coralie Russier, Stéphane Jobert
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 816
Bande annonce (Allociné)

Critique

Après le déjanté et absurde  Au poste!, le nouveau film de Quentin Dupieux mêle habilement plusieurs genres cinématographiques, allant du drame à l’horreur, sans jamais se défaire de son comique grinçant.

Georges (Jean Dujardin) quitte sa famille, fait l’acquisition chez un particulier d’un vieux blouson hors de prix, bien que démodé, avec en prime une petite caméra et s’installe dans un hôtel de village, sans argent. Telle la Peau de chagrin chez Balzac, le blouson possédera Georges bien plus que le contraire - comme en témoigne l’atmosphère marron qui contamine l’ensemble du film - au point où il ne vivra désormais que pour exécuter la mission que le vêtement lui aura confiée, et ce, grâce à sa petite caméra et à l’aura conférée au statut de réalisateur, aussi fictif soit-il.

Pour Quentin Dupieux Le Daim marque un tournant dans sa filmographie, celui-ci étant, selon ses propres dires, son «premier film réaliste». Cette affirmation surprend d’abord: les événements interviennent sans explication aucune (pourquoi le vieil homme offre-t-il une caméra en complément du blouson en daim?) et la naïveté excessive de certains personnages comme Denise (Adèle Haenel, dont la complémentarité du jeu avec Jean Dujardin participera pleinement au plaisir du spectateur), monteuse et productrice du film que Georges est en train de réaliser, semble servir le scénario uniquement. La représentation de la violence par son exacerbation et ses mises en scène improbables n’a elle non plus rien de réaliste; elle est au contraire banalisée, comme dans tous les films de Dupieux depuis Steak (2007). Rappelant C’est arrivé près de chez vous (Benoît Poelvoorde, Rémy Belvaux, André Bonzel, 1992) aussi bien par le cynisme du protagoniste qui accomplit les crimes naturellement devant la caméra que par la complicité toujours plus grande de témoins, en l’occurrence de Denise, double du spectateur, on serait tenté d’en conclure que cette affirmation du réalisateur est absurde.

Un «effet de réel» s’exprime pourtant dans le comportement de Georges, pervers narcissique brillamment interprété par Dujardin, qui a délaissé son sourire charmeur et son assurance naturelle de publicitaire pour endosser un rôle tout en retenue: un simple mot prononcé avec une tonalité vive trahit son autosuffisance, un regard juste trop long dénonce son incompréhension que son discours tente de cacher tant bien que mal. Si le décalage s’exprime à différentes strates, le plus hilarant se manifeste par le fossé qui sépare les actes des paroles, tandis que le comique de répétition basé sur l’accroissement toujours plus grand du nombre de cadavres pèse toujours plus lourd.

Par une mascarade permanente de son être, Georges est une parfaite mise en abyme de l’acteur (et du cinéma): il se prétend réalisateur, promet la lune pour obtenir ce qu'il désire et commet des meurtres sans que cela ne l'affecte. Victime de sa propre mise en scène, le protagoniste ne distingue plus la réalité de la fiction, s’aliénant au point où des prédateurs le prennent pour cible, sous l’œil d’un public enthousiaste.


Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 15
Kevin Pereira 15
Noé Maggetti 18
Georges Blanc 11