Pity

Affiche Pity
Réalisé par Babis Makridis
Titre original Pity
Pays de production Grèce, Pologne
Année 2018
Durée
Musique Mikolaj Trzaska
Genre Drame
Distributeur Outside the Box
Acteurs Makis Papadimitriou, Giannis Drakopoulos, Evi Saoulidou
Age légal 16 ans
Age suggéré 16 ans
N° cinéfeuilles 812

Critique

Dans un univers austère, qui n’est pas sans rappeler celui de Playtime de Jacques Tati, le réalisateur de Pity, Babis Makridis, observe avec distance le quotidien d’un homme dont le besoin d’attention extrême justifie à ses yeux n’importe quel acte…

Un ciel azur, une mer apaisée et dorée par les rayons de soleil. A l’image de ce décor aux surfaces lisses, géométriques - la composition des plans étant dominée par des lignes horizontales ou diagonales -,aseptisés, un avocat sans nom (Yannis Drakopoulos), apparence impeccable, coupe irréprochable. Le protagoniste habite seul avec son fils, sa femme étant dans le comas suite à un accident dont la cause demeurera inconnue. D’emblée un sentiment de méfiance s'installe face à ce personnage - saisi par la caméra de manière fragmentée ou de dos -, aussi bien de par son attitude et son regard fuyants, que par les pleurs qu’il s’autorise rituellement le matin. Plus que de ressentir de la tristesse pour sa femme, l’avocat semble prendre conscience de l’attention que lui portent ses connaissances, proches ou non, et de la position centrale qu’il occupe dès lors, non seulement dans le plan, mais aussi dans leurs pensées, préoccupés qu’ils sont à le consoler - au début du moins.

Les astuces pour exprimer le décalage entre ce qui est véritablement éprouvé par le protagoniste et les apparences intègrent de manière ingénieuse la narration. La musique exprime, comme souvent, les émotions du personnage, sauf qu’ici sa portée est autre: elle sert de révélateur de son narcissisme pervers, les sentiments supposés et ceux véritablement éprouvés étant complètement dissociés. Une autre trouvaille, excellente et déroutante, est l’insertion de cartons explicatifs dont il est difficile de comprendre la nature, tant leur portée est cynique.

Cette noirceur qui devient toujours plus profonde, n’évacue pas entièrement une touche d’humour ici ou là, comme lorsque l’anti-héros cherche à tout prix à pleurer, pour avoir une preuve tangible de sa tristesse.

Pity adopte un point de vue original sur un sociopathe, refusant de le présenter comme un monstre absolu pour l’observer dans son quotidien le plus banal et souligner quelques traits anormaux de sa personnalité, telle que sa fascination pour les meurtres. Le rôle de la société dans l’engendrement de certaines déviances est lui aussi considéré, quoique de manière discrète, puisque aucun contrechamp positif n’est exposé. Œuvre austère, qu’on aime ou qu’on déteste, Pity fait réagir, et l’excellente prestation de Yannis Drakopoulos dans le rôle d’un apathique, demeure à l’esprit bien au-delà du temps de la projection.


Sabrina Schwob

Appréciations

Nom Notes
Sabrina Schwob 14