Closing Time

Deux heures de méditation en pleine conscience à la vision de ce film où s’enchaînent des plans d’épluchage de carottes, de marchandage au grand marché de Taipei et de trajets en scooters. Un conseil : bien dormir la nuit d’avant.

Captation contemplative du quotidien nocturne, ce très long métrage croque la vie de Kuo et de sa femme dans leur restaurant traditionnel à Taipei, en Chine. La réalisatrice Nicole Vögele est décidément très intéressée par les détails, les petites habitudes, la simplicité des journées qui s’écoulent; elle en proposait un autre portrait avec Frau Loosli (2013), une femme âgée et vivant seule dans sa ferme, ou avec Nebel (2014), qui glissait encore plus vers l’expérimental, l’indicible. Ici, les plans fixes et lents capturent tout autant le savoir-faire culinaire de Kuo que ses conditions de travail difficiles, en décalage avec la société qui l’entoure. Le typhon est aussi un personnage en arrière-plan, qui sème la zizanie et empêche les récoltes de fruits et légumes. Les images sont belles, on y voit le vent, les épluchures, les coquilles d’œufs, la vapeur de la soupe. Un très grand travail a été fait sur le son, au travers d’ambiances très particulières et très réussies et c’est cette seule raison qui le sauve à nos yeux. Une sensation d’odeur de friture et de cuisine chinoise habite les narines à mesure qu’avance le film et que les badauds s’arrêtent un instant pour avaler bouillon ou porridge salé. Ils parlent de leurs problèmes, dressant ainsi un portrait de la vie à Taipei en 2019, bien que les dialogues restent concis et peu nombreux. Loin d’être inintéressant, ce film demande par contre au spectateur de bien s’accrocher pour suivre le rythme et le cadrage réduits au minimum, ou au contraire, de complétement lâcher prise et de se laisser embarquer dans cette expérience sensorielle et méditative.