Monsieur Link

Affiche Monsieur Link
Réalisé par Chris Butler
Titre original Missing Link
Pays de production U.S.A., Canada
Année 2019
Durée
Musique Carter Burwell
Genre Animation, Aventure
Distributeur Metropolitan FilmExport
Acteurs Thierry Lhermitte, Eric Judor, Hugh Jackman, Emma Thompson, Zoe Saldana, Zach Galifianakis
Age légal 6 ans
Age suggéré 8 ans
N° cinéfeuilles 811
Bande annonce (Allociné)

Critique

Et si partir sur les traces d’une créature mythique était l’occasion d’un voyage qui redéfinissait la notion de reconnaissance, de soi et de l’autre? Chris Butler lui donne la forme d’un film pour enfants mais qu’on ne s’y trompe pas: le message mériterait d’être entendu par tous.

Le réalisateur signe ici son second long métrage en stop motion (filmé image par image, à partir de figurines). Il a aiguisé son regard et ses compétences, en collaborant à l'animation d’autres succès ayant aussi employé ce procédé, des Noces funèbres (2005) à Coraline (2009). Complétées par des arrière-plans de paysages somptueux recréés par ordinateur, les pérégrinations de Sir Lionel Frost, grand aventurier parti à la rencontre d’une espèce de cousine du Yéti, se parent d’une texture et d’un mouvement qui leur confèrent une nouvelle profondeur.

Sans compter que les protagonistes eux-mêmes ont été travaillés avec soin. Comment ne pas reconnaître derrière les traits de Frost ceux de l’acteur pensé pour le doubler, Hugh Jackman? Ce dernier confère toute sa superbe, parfois quelque peu orgueilleuse, à cet homme impatient de montrer à ses confrères chercheurs que les êtres mythologiques qui le passionnent existent réellement quelque part sur le globe. Sa découverte de «Monsieur Link», représentant bien élevé du chaînon manquant entre les grands singes et l’homme, va l’entraîner dans des contrées lointaines mais surtout au-delà de lui-même.

Si leur épopée contient son lot de dangers, conflits et apprentissages habituels, elle frappe par les réflexions importantes auxquelles elle invite. L’obsession de Frost à inscrire son nom parmi ceux des grands hommes, au détriment de ceux qui l’entourent et de lui-même - les membres du club visé en effet le méprisent - interroge le besoin d’appartenance qui nous habite. Toutefois, plutôt que de présenter l’ersatz de famille comme la seule solution pour trouver sa place, le film confronte chaque personnage à ses contradictions, les obligeant à se positionner pour eux-mêmes.

La présence, aux côtés des deux héros, d’Adelina, figure féminine au caractère pour le moins trempé, offre un contre-point explicite à l’aspiration à la norme de ses compagnons, qu’elle soit bénéfique pour eux ou non (comme pour Frost, l’envie de Monsieur Link de rejoindre ses «semblables» pose problème). Et, à un niveau plus général, elle oppose ses convictions à un XIXe siècle encore largement dominé par des hommes attachés à leurs privilèges, méchants désignés qui vont tenter de contrer leur périple.

Adelina est aussi la voix qui vient remettre en question le bien-fondé des preuves, tant recherchées par Lionel Frost, notamment pour faire valoir sa (supposée) grandeur. Le film module très joliment cette thématique en jouant, lors de nombreux plans, sur les traces de pas des personnages, qui marquent bien sûr la différence de taille et d’espèce entre eux mais qui finissent quand même par toutes disparaître sous la neige ou le vent. Il faut dès lors trouver d’autres moyens pour prouver sa valeur que des attributs volatils. Il ne fait aucun doute à nos yeux que Chris Butler a montré la sienne avec Monsieur Link.


Adèle Morerod

Appréciations

Nom Notes
Adèle Morerod 15