Si Beale Street pouvait parler

Affiche Si Beale Street pouvait parler
Réalisé par Barry Jenkins
Titre original If Beale Street Could Talk
Pays de production U.S.A.
Année 2018
Durée
Musique Nicholas Britell
Genre Drame
Distributeur DCM
Acteurs Regina King, Stephan James, Colman Domingo, KiKi Layne, Teyonah Parris, Michael Beach
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 805
Bande annonce (Allociné)

Critique

Le réalisateur américain Barry Jenkins s’est fait connaître avec Moonlight (Oscar du Meilleur film, 2017), un récit mêlant sujets d’actualité et histoire intime d’un jeune homme en pleine crise d’identité. Avec Si Beale Street pouvait parler le cinéaste adopte la même démarche, en adaptant fidèlement le roman éponyme de James Baldwin (sorti en 1974).

Jenkins suit donc aux pas de Tish Rivers (Kiki Layne), une jeune Afro-Américaine de 19 ans qui cherche à faire libérer son ami de 22 ans, Fonny Hunt (Stephan James), jeune sculpteur noir condamné à tort à plusieurs années de prison pour le viol d’une jeune Portoricaine. Tish, qui attend un enfant de Fonny, veut faire éclater la vérité dans cette sombre affaire.

Récit mélodramatique, le film de Jenkins s’intéresse au couple séparé et aux efforts des deux familles qui se mettent en demeure de trouver les preuves de l’innocence de Fonny. Les difficultés rencontrées par Tish et son ami seront grandes, mais leur amour leur permettra de surmonter colère et désespoir.

Le film s’engage aussi sur le chemin d’une analyse - plutôt pessimiste - du racisme sous-jacent qui hante les rues de Memphis. Beale Street est une artère commerciale importante de la ville où vivent et travaillent de nombreux Afro-Américains, un lieu où la violence ne se fait jamais oublier: «Tu es noir, donc tu es coupable. Tu es afro-américain, tu n’as donc pas automatiquement droit de cité.» Barry Jenkins reprend la description de ce conflit bien mis en évidence dans une séquence où un policier blanc - qui se croit tout permis - use d’un faux témoignage parce qu’il a été entravé dans sa volonté de dénoncer Fonny. Tish et sa sœur auront beau engager un avocat (blanc) pour essayer de le tirer d’affaire, rien n’y fera. Et le traumatisme profond de la jeune Portoricaine violée par un inconnu empêchera tout récit crédible de sa part et toute apparition de la vérité.

A côté des problèmes raciaux Barry Jenkins reprend aussi la critique pertinente, déjà présente chez Baldwin, d’une forme de dérive religieuse qui s’apparente à un certain courant évangélique sectaire, incarné ici par la mère de Fonny : pour elle il n’y a qu’à se soumettre aux événements et se couvrir de honte puisque Tish et Fonny ont un enfant sans être mariés.

Le film bénéficie d’une écriture remarquable : décors finement étudiés, lieux fermés (chambres, couloirs, prison), visages des acteurs (en gros plans) toujours bien cadrés, de très près, la caméra réussissant à nous révéler la face cachée et sensuelle des personnages. Avec des dialogues importants, littéraires souvent - le texte de Baldwin n'étant jamais loin -, le rythme du film est lent. Le désespoir imprègne parfois ce récit fait d’allers et retours dans les mondes secrets des protagonistes, empruntant le support de longues séquences qui ne cherchent pas toujours à respecter l’ordre chronologique des événements.

Le film de Barry Jenkins, émouvant et parfaitement maîtrisé dans sa forme, réunit des tranches de plusieurs vies courageuses qui ne peuvent laisser indifférent.


Antoine Rochat

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 16
Georges Blanc 15
Nadia Roch 16
Serge Molla 18