L'Incroyable histoire du Facteur Cheval

Affiche L'Incroyable histoire du Facteur Cheval
Réalisé par Nils Tavernier
Titre original L'Incroyable histoire du Facteur Cheval
Pays de production France
Année 2017
Durée
Musique Baptiste Colleu, Pierre Colleu
Genre Comédie dramatique
Distributeur Praesens-Film
Acteurs Jacques Gamblin, Bernard Le Coq, Florence Thomassin, Laetitia Casta, Natacha Lindinger, Aurélien Wiik
Age légal 10 ans
Age suggéré 12 ans
N° cinéfeuilles 804
Bande annonce (Allociné)

Critique

Dans une société où l’économie dicte sa loi, cette réalisation vient à point nommé. Consacrer un portrait au facteur Cheval (1836-1924) est bienvenu par la poésie du propos et la marque de reconnaissance d’un homme sans instruction, créateur d’un Palais idéal à Hauterives, ce monument d’art naïf sans pareil.

Pour incarner ce taiseux marqué par les décès d’un fils et d’une première épouse, et par l’éloignement d’un second fils, confié aux oncle et tante, le choix de Jacques Gamblin est parfait, tant son jeu est avant tout non verbal, mais parle pour qui sait voir et non seulement écouter. C’est précisément le cas de Philomène (Laetitia Casta), qu’il rencontre un jour, en tournée, et qui, malgré son silence, discerne en lui «une belle âme». Ils se marient et l’année suivante tout bascule, comme il confiera dans ses cahiers: «Un jour du mois d’avril en 1879, à un quart de lieue avant d’arriver à Tersanne, je marchais très vite lorsque mon pied accrocha quelque chose qui m’envoya rouler quelques mètres plus loin, je voulus en connaître la cause. J’avais bâti dans un rêve un palais, un château ou des grottes, je ne peux pas bien vous l’exprimer… Mon pied avait accroché une pierre qui faillit me faire tomber. J’ai voulu savoir ce que c’était… C’était une pierre de forme si bizarre que je l’ai mise dans ma poche pour l’admirer à mon aise. Le lendemain, je suis repassé au même endroit. J’en ai encore trouvé de plus belles, je les ai rassemblées sur place et j’en suis resté ravi… Je me suis dit: puisque la Nature veut faire la sculpture, moi je ferai la maçonnerie et l’architecture.» Aussi commence-t-il à ériger quelques murs et enchaînera, quotidiennement après sa tournée d’une trentaine de kilomètres à pied, un labeur de maçon bien décidé à construire un palais pour Alice, sa fille chérie.

Par les mouvements de son corps (lorsque par exemple la douleur l’étreint), sa gestuelle et le moindre pli de son visage, Gamblin campe admirablement celui que l’on tient localement pour un peu fou, alors même que quelques personnes, ayant entendu parler de l’ouvrage en chantier, font le déplacement dans la Drôme.

 Mais rien ne décourage le facteur, pas même un accident qui aurait pu lui coûter la vie, rien ne freine cet homme déterminé à terminer son palais pour Alice.

Après trente-trois ans de labeur - Cheval a alors 77 ans -, le Palais idéal est achevé. Ses dimensions impressionnent: douze mètres de haut et vingt-six mètres de long, riche de différentes pièces, le tout formé de pierres ramassées sur les chemins alentour et assemblées avec de la chaux, du mortier et du ciment. Huit années supplémentaires lui serviront encore à bâtir le Tombeau du silence et de la paix.

Le film de Nils Tavernier n’explique pas les raisons profondes d’un tel geste, d’un pareil entêtement, préférant souligner l’effort d’un homme habité par une aspiration dépassant toute rationalité, peu soucieux du regard d’autrui, désireux seulement d’achever ce qui doit l’être. L’environnement naturel de la Drôme, les gestes du maçon qui travaille son ciment comme le boulanger sa pâte, la dureté d’un temps où la santé est précaire (fin XIXe siècle), tout cela est fort bien reconstitué et dégage une poésie empreinte d’un respect pour un homme tout simple qui sut laisser une œuvre d’une surprenante beauté.


Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Serge Molla 17