Une Affaire de famille

Affiche Une Affaire de famille
Réalisé par Hirokazu Kore-eda
Titre original Manbiki kazoku
Pays de production Japon
Année 2018
Durée
Musique Haruomi Hosono
Genre Drame
Distributeur Cineworx
Acteurs Kirin Kiki, Lily Franky, Sakura Andô, Mayu Matsuoka, Kairi Jyo, Miyu Sasaki
Age légal 12 ans
Age suggéré 14 ans
N° cinéfeuilles 803
Bande annonce (Allociné)

Critique

Palme d'or au Festival de Cannes
Le cinéaste japonais Hirokazu Kore-eda est un peintre de la famille et de l’enfance. Après Nobody Knows (2004), Tel père, tel fils (2013) et Notre petite sœur (2014) - pour ne citer que trois films importants de sa longue filmographie -, voici la Palme d’or du dernier Festival de Cannes, Une affaire de famille, qui raconte les liens très forts qui unissent une famille pauvre et recomposée. Un film très sensible et juste.

Osamu Shibata (Lily Franky) et son «fils» Shota (Kairi Jyo) pratiquent le vol à l’étalage dans les supermarchés tandis que la maman Nobuyo (Sakura Ando) récupère ce qu’elle trouve dans les poches des vêtements des clients de la blanchisserie industrielle où elle travaille. Tout cela parce que les salaires sont maigres (le père n’a pas de job fixe) et que la famille a de la peine à nouer les deux bouts. Tout ce petit monde loge entassé dans une maison minuscule, chez la grand-mère Hatsue (Kirin Kiki), une «mamie» qui a quelques sous. Un jour de froid glacial, le père et le fils recueillent dans la rue Juri (Miyu Sasaki), une petite fille de 5 ans apparemment abandonnée. D’abord réticente à héberger une gamine qu’elle ne connaît pas, la femme d’Osamu accepte de le faire parce qu’elle a la preuve que Juri est rejetée par ses parents et qu’elle est maltraitée (elle a des bleus et des brûlures sur la peau). Juri trouve ainsi un nouveau foyer, la vie continue et les membres de cette drôle de famille recomposée semblent vivre heureux tous ensemble.

Hirokazu Kore-eda décrit la vie particulière de ce petit monde très attachant. Ce qui frappe chez le réalisateur c’est son extrême sensibilité dans la description de tous les personnages et de leurs visages, et cette capacité à exprimer une émotion retenue à travers une direction d’acteurs des plus justes. Le scénario va peu à peu dévoiler les secrets qui se cachent derrière les apparences et percer l’intimité de ce petit microcosme avec beaucoup de tact, tout en laissant entendre que ces images sont aussi un reflet de la société japonaise et de son essor. Le film ne néglige pas l’existence des laissés-pour-compte: on pense souvent à Ken Loach, un cinéaste que Hirokazu Kore-eda considère d’ailleurs (avec Theo Angelopoulos) comme l’un de ses maîtres. Derrière les faux-semblants évoqués, la complexité de l’intrigue et souvent aussi l’humour noir de certaines scènes, on décèle la très grande finesse du propos. Plusieurs séquences sont là pour entretenir le mystère, pour éviter que le récit ne devienne prévisible et pour amener le spectateur à porter un regard attentif sur la composante sociale du récit.

Chronique douce-amère, parfois émouvante, s’inspirant d’un petit fait divers, Une affaire de famille rejoint la thématique de plusieurs autres films de Hirokazu Kore-eda. On y retrouve certains (dys)fonctionnements familiaux, les liens du cœur qui peuvent naître sans qu’il y ait nécessairement des liens de sang, le tout s’accompagnant d’une forme d’humanisme, sans mélo bien sûr. La mise en scène est précise, toujours discrète, le réalisateur ne cherchant jamais à imposer son point de vue: s’agit-il - dans l’intimité de cette famille très particulière - de personnages plutôt médiocres, ou sont-ils au contraire porteurs d’un grande richesse intérieure? Manifestent-ils de l’égoïsme ou beaucoup d’humanité? Le cinéaste se garde bien de les juger, de les classer. Peut-être sont-ils finalement les deux à la fois.

Une affaire de famille est un film humaniste, subtil et touchant, qui peut être lu à plusieurs niveaux et de différentes manières. La fin est ouverte et c’est le spectateur qui gardera le dernier mot.

Antoine Rochat


Que signifie le mot « famille » aujourd’hui ? Le réalisateur nippon poursuit son enquête, après Tel père, tel fils, Notre petite sœur et Après la tempête. Cette fois-ci, pour les habitants du bungalow de Shibato, la tempête de la vie a fait rage. Laquelle précisément ? On en saura fort peu. En attendant, grand-mère, père, mère, adolescente, fils semblent former une famille, pauvre, mais unie, bientôt rejointe par Rin, une petite fille arraché à ses parents qui la battent et qui semble livrée à elle-même. L’équipe s’en sort comme elle peut, volant lorsque nécessaire, car la priorité est de ne pas sombrer. Aux nouvelles télévisées, on parle de l’«enlèvement» de Rin – recueillie par le clan pour le protéger et non pas pour en tirer quelque rançon ! Générosité, solidarité ont donc l’air de tout présider. Ainsi se poursuit la débrouille jusqu’au jour où meurt l’aïeule, révélant du même coup bien des secrets.

Le réalisateur met en question avec brio et subtilité les thématiques si naturelles de la paternité et de la maternité. Comment se tissent les relations fondamentales au sein d’une famille ? Tout passe-t-il par les liens du sang ? Autant dire que ce film ouvre de nouvelles pistes de réflexion sur la famille dont le sens même évolue. Avec une fin ouverte, il délaisse les clichés et n’emprisonne aucun de ses personnages dans leur passé, fût-il lourd. Kore-eda filme admirablement les enfants – Rin et le jeune garçon de la famille – qui témoignent d’une grâce confondante et dont les visages traduisent une émotion que les adultes n’expriment trop souvent que verbalement

Serge Molla

Appréciations

Nom Notes
Antoine Rochat 18
Serge Molla 18
Sabrina Schwob 19
Georges Blanc 15